Le parquet égyptien a décidé mardi de placer en détention provisoire pour 15 jours le journaliste et chercheur Ismaïl Alexandrani, accusé de publication de "fausses informations" et d'appartenance à la confrérie interdite des Frères musulmans, ont indiqué ses avocats.
Spécialiste des mouvements jihadistes du Sinaï égyptien et connu pour ses écrits critiques à l'égard du pouvoir, M. Alexandrani a été arrêté dimanche à son retour de Berlin où il avait participé à des conférences sur la situation politique en Egypte, ont indiqué à l'AFP son épouse Khadiga Gaafar et un de ses avocats.
"Les forces de sécurité ont arrêté Ismaïl à l'aéroport de Hurghada (station balnéaire sur la mer Rouge). Il a été ensuite transféré au Caire pour être interrogé mardi par le parquet de la Sûreté de l'Etat", a affirmé Mme Gaafar.
Ahmed Abdel Nabi, l'un des avocats du journaliste, a affirmé que ce dernier avait été placé en détention provisoire pour 15 jours pour les besoins de l'enquête.
Il est accusé "d'appartenance à une organisation illégale, la confrérie des Frères musulmans", de publication de "fausses informations dans l'objectif de nuire à l'intérêt national et de troubler la paix publique", a-t-il dit à l'AFP.
Un autre avocat, Mohamed al-Baqer, a précisé que l'interrogatoire du journaliste se poursuivrait jeudi.
Depuis que l'armée a destitué en 2013 le président Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, le nord du Sinaï est le théâtre d'une insurrection jihadiste, et les attentats meurtriers contre les forces de l'ordre se sont multipliés.
Le pouvoir du président Abdel Fattah al-Sissi, l'ex-chef de l'armée artisan de la destitution de M. Morsi, est régulièrement accusé par des organisations de défense des droits de l'Homme de réprimer toute voix dissidente.
L'arrestation de M. Alexandrani "dérange profondément, et s'inscrit dans une constante des services de sécurité égyptiens, qui arrêtent ceux dont les écrits ne sont pas conformes aux positions officielles", a dénoncé dans un communiqué Human Rights Watch (HRW).
"Il n'y a pas de preuves", a dit M. Abdel Nabi, estimant que l'affaire "envoyait un message très négatif aux journalistes, les (poussant) à s'autocensurer lorsque leurs opinions divergent de celles des autorités".
Ces dernières années, M. Alexandrani a publié plusieurs articles d'investigation sur la situation au nord-Sinaï, et a été plusieurs fois primé pour ses travaux journalistiques.
Un responsable au ministère de l'Intérieur a confirmé l'arrestation de M. Alexandrani, mais a refusé de préciser les faits qui lui sont reprochés.
Début novembre, un autre journaliste et défenseur des droits de l'Homme, Hossam Bahgat, a été brièvement arrêté pour un article révélant la tenue d'un procès militaire que l'armée n'avait pas officiellement confirmé ni réfuté.
En 2013, trois journalistes de la chaîne qatarie Al Jazeera avaient été arrêtés puis condamnés à trois ans de prison pour "diffusion de fausses informations" soutenant les Frères musulmans, avant d'être libérés en 2015.
Le Caire a renforcé son arsenal antiterroriste par une loi prévoyant notamment une amende très lourde pour les journalistes et médias, y compris étrangers, qui rapportent des informations contredisant les communiqués et bilans officiels en cas d'attaques.