La province, elle non plus, ne manque pas d’idées. Le peintre, dessinateur et bédéiste amiénois Daniel Grardel a exposé ses œuvres du 7 au 15 décembre derniers, à la galerie La Dodane, au cœur du quartier Saint-Leu, à Amiens. Il possède ce qu’il est convenu d’appeler une patte. Il évolue loin, si loin, de la peinture abstraite qui, il faut l’avouer, par ses excès abscons, commence à nous gaver grave comme disent les jeunes. Il ne s’adonne pas non plus au réalisme ou au naturalisme pictural. Non, Grardel (instituteur retraité, sosie des regrettés Ricet Barrier et de Pierre Vassiliu) est ailleurs. Il pratique une manière de peinture foraine très colorée, rock’ n’roll, sensuelle et érotique, provocatrice parfois ; il prend plaisir à décrire des scènes nocturnes issues des bistrots de la capitale picarde. Des scènes pour la plupart échappées de son imagination ; il truffe celles-ci de personnages amiénois (artistes, élus – dont Fred Thorel, ancien adjoint à la culture, qui ne sort jamais sans son inénarrable nœud papillon en bois !) mais aussi de chanteurs, comédiens, peintres connus et reconnus qu’il affectionne (Gainsbourg, Chris Evans, Lucky Blondo, Annie Philippe, Christophe, etc.). Ces toiles pourraient faire penser à celles de Clovis Trouille, autre picard de grand talent né à La Fère, dans l’Aisne. Les filles, très peu vêtues, arborent de soyeux porte-jarretelles ; les hommes y boivent plus que de raison et fument avec volupté. Bref : nous sommes à mille yeux du nauséeux wokisme ambiant et de la police de la bien-pensance. (Au cours de cette même exposition, une ultra féministe locale s’est déplacée jusqu’à la galerie pour s’en prendre à Daniel qu’elle a sermonné, lui reprochant de peindre des femmes-objets à la vertu contestable. On est en droit d’éclater de rire devant tant d’imbécillité.)
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Notre homme n’aime pas seulement la peinture et le rock’n’roll ; il adore également la littérature. Ainsi a-t-il a eu l’idée d’inviter chaque jour quelques-uns de ses amis écrivains à dédicacer leurs livres ; Isabelle Marsay, le comédien et réalisateur Jean-Michel Noirey, Elisabeth Grardel, Patrick Poitevin (auteur de percutants polars dont le dernier, L’être de cachets, paru aux éditions des Petits Ruisseaux), Patrick Kaczmarek (médecins de famille et militant), Claude Tillier, Jean-Louis Crimon, Hervé Jovelin (qui vient de sortir Evangile de l’Imbécile, chez L’Harmattan), etc. Vedette yé-yé des sixties, Annie Philippe se déplaça de Paris à la galerie de la Dodane pour rendre visite à son ami Grardel ; elle était accompagnée du réalisateur Nicolas Engel qui a adapté des comédies musicales à Mogador et monte actuellement le spectacle Tootsie, à Montréal. Il tourne également un documentaire sur l’ex-fiancée de Claude François. Ce jour-là, les fans des années soixante se déplacèrent nombreux. L’ambiance était chaude et le Chinon d’excellente qualité. Christophe et Gainsbourg prirent la peine de sortir des toiles de Daniel pour saluer Annie, ravie. La soirée se prolongea fort tard dans les bistrots du quartier Saint-Leu. Mais ceci est une autre histoire…
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