Il l’avait promis "avant Noël", il l’a finalisé le lundi 23 décembre. Le Premier ministre François Bayrou est désormais à la tête du quatrième gouvernement français de 2024. "Encore un", ironise le média américain Politico. Hier, en fin d’après-midi, le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, a annoncé le nom de celles et ceux qui dirigeront le pays dès aujourd’hui. Des noms loin d’être inconnus dans la sphère politique. Du moins, pour 11 des 14 ministres de plein exercice.
Comme pressenti ces derniers jours, l’ancien locataire de la place Beauvau Gérald Darmanin a été nommé Garde des Sceaux et l’ancienne Première ministre Elisabeth Borne a pris la tête de l’Education. D’autres ont été reconduits : Bruno Retailleau, qualifié de "chouchou de la droite et croque-mitaine de la gauche" par Politico, reste au ministère de l’Intérieur, tout comme Jean-Noël Barrot aux Affaires étrangères, Rachida Dati à la Culture, Sébastien Lecornu aux Armées, ou encore Agnès Pannier-Runacher à la Transition écologique. Pour le quotidien The New York Times, le maintien de Bruno Retailleau, "un conservateur qui soutient la répression de l’immigration clandestine et du trafic de stupéfiants" et le retour de Gérald Darmanin, "un homme au discours ferme", "indiquent que le nouveau gouvernement continuera à mettre l’accent sur le maintien de l’ordre pour devancer l’extrême droite sur cette question".
Manuel Valls, ancien Premier ministre sous François Hollande, a, quant à lui, fait son grand retour en politique en étant nommé ministre des Outre-mer. François Rebsamen, l’un de ses anciens ministres, hérite pour sa part de l’Aménagement des territoires et de la Décentralisation. Un gouvernement exclusivement composé de "recyclage" selon la cheffe des écologistes Marine Tondelier. Et ce n’est pas la presse étrangère qui dira le contraire. Pour le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, l’équipe de François Bayrou n’est autre "qu’une sorte de Barnier II […] moins solide et moins stable". Et de poursuivre : "On attendait […] qu’il élargisse le socle de son gouvernement. […] Mais celui-ci ressemble tellement à l’ancien que les Français doivent se demander à quoi tout cela rime".
Pourtant, le journal allemand le rappelle, "tout au long de sa carrière, François Bayrou a rêvé d’être un grand médiateur et un rassembleur". L’occasion s’était enfin présentée à lui. Mais au vu de la composition de son gouvernement, le Süddeutsche Zeitung est catégorique : le Premier ministre a "échoué" à "tenir cette promesse de plusieurs décennies". "Il avait promis un gouvernement d’intérêt national couvrant l’ensemble du spectre politique, mais il a fini par pencher du côté de la droite conservatrice", résume The Guardian.
Ne reste maintenant plus qu’à composer avec les critiques des opposants. Puisque dès aujourd’hui, ce nouveau gouvernement devra réaliser ce que Politico juge "impossible" : "rassembler un Parlement profondément divisé et rester au pouvoir suffisamment longtemps pour introduire des changements significatifs." Entre autres, l’une des premières tâches du gouvernement sera d’élaborer le projet de loi 2025 et réduire le déficit budgétaire de la France, qui devrait dépasser 6 % du Produit intérieur brut (PIB) d’ici à la fin de l’année, soit bien plus que les 3 % du PIB exigés des Etats membres par l’Union européenne. La France a donc "un long et épineux chemin à parcourir pour redresser ses comptes", remarque le quotidien El País.
D’autant plus que la gauche risque de mettre des bâtons dans les roues du nouveau gouvernement. "De nombreux membres de la gauche ont déclaré s’être sentis trahis et en colère lorsque Macron a choisi le conservateur Barnier et son cabinet éphémère qui a fait pencher le pays à droite. Cette colère risque de persister", analyse le New York Times en faisant référence à la continuité politique de l’équipe de François Bayrou.
Pour le quotidien belge La Libre, cela serait tout à fait justifié. "Les quatre partis de gauche n’ont aucune raison d’être satisfaits du casting. […] L’arrivée de Manuel Valls et de François Rebsamen, des traîtres pour la gauche, doit même être considérée comme un affront", écrit-il. Anciennement membres du parti socialiste, les hommes politiques avaient respectivement rallié le camp d’Emmanuel Macron en 2017 et 2022. Cerise sur le gâteau pour la gauche : la confirmation du ministre de l’Intérieur controversé, Bruno Retailleau. Une reconduction que le Süddeutsche Zeitung perçoit comme "une déclaration de guerre".
Une question reste donc en suspens : quelle sera la durée de vie de ce nouvel exécutif ? "La France a un nouveau gouvernement, mais pour combien de temps ?", se demande le journal belge néerlandophone De Standaard. Pour le quotidien Le Temps, "François Bayrou devra déployer assez d’écoute, de diplomatie et de dialogue pour tenir au moins jusqu’à juillet, date à laquelle le président de la République retrouvera l’arme de la dissolution de l’Assemblée". Mais une chose est certaine selon The New York Times : "Même si François Bayrou parvient à trouver un compromis pour les dépenses, cela ne contribuera guère à sauver la réputation vacillante du président".