Le Témoin- L’échiquier politique sénégalais vient de connaître une reconfiguration inattendue, marquée par une série d’événements spectaculaires et inhabituels depuis les indépendances. La victoire de Bassirou Diomaye Faye à l’élection présidentielle, la nomination d’Ousmane Sonko comme Premier ministre et l’élection d’El Malick Ndiaye à la présidence de l’Assemblée nationale ont bouleversé la hiérarchie institutionnelle du pays. Cette troïka puissante, qui constitue une coalition inédite, reflète une inversion des rôles traditionnels.
Ousmane Sonko, figure turbulente et emblématique de l’opposition sénégalaise, avait fait de son accession à la présidence une priorité absolue. Il l’avait même juré avec conviction, allant jusqu’à donner l’impression d’être prédestiné à diriger le Sénégal.
Charismatique et porteur d’un discours incisif axé sur la souveraineté nationale et la lutte contre la corruption, Sonko captivait les foules, notamment les jeunes séduits par ses appels au changement. Pourtant, sa condamnation judiciaire, controversée et largement critiquée, a mis un terme à ses ambitions présidentielles. Ce coup de théâtre a provoqué une onde de choc dans le pays, entraînant des indignations et des mobilisations d’une ampleur inédite.
Plutôt que de céder à l’amertume, Sonko, depuis sa cellule du Cap Manuel, a choisi une stratégie inattendue : désigner Bassirou Diomaye Faye comme successeur politique. Ce choix audacieux a permis au Pastef de maintenir son unité, sa solidarité et son cap, tout en affirmant l’influence déterminante de Sonko sur le jeu politique national.
Bassirou Diomaye Faye : un président sous les projecteurs
L’élection de Bassirou Diomaye Faye à la présidence est perçue comme une victoire stratégique pour Ousmane Sonko. Peu connu du grand public avant son investiture, Diomaye doit sa percée à l’appareil politique bâti par Sonko et au soutien massif des électeurs acquis à la vision politique du leader de Pastef. En clair, Sonko a sorti Diomaye de l’ombre pour le propulser sur la scène politique nationale.
Cependant, un défi majeur se pose : jusqu’où Diomaye pourra-t-il affirmer son autorité et s’émanciper de l’influence de son mentor ? Si le président incarne symboliquement le chef de l’État, certains observateurs doutent de sa réelle autonomie face à un Premier ministre aussi influent que Sonko. Malgré les tentatives des opposants pour diviser le duo, leur collaboration demeure harmonieuse, comme en témoigne leur récente rencontre publique, perçue comme une réponse cinglante aux critiques.
Lors d’un meeting organisé sur l’esplanade du Grand Théâtre, Sonko a souligné : « Le choix de Bassirou Diomaye Faye n’est pas fortuit. Actuellement, dans le contexte que traverse notre pays, il était préférable que ce soit lui qui devienne président. » Il a également loué les qualités humaines de Diomaye, affirmant : « Si les Sénégalais connaissaient bien notre président, ils le soutiendraient sans réserve. C’est un homme au grand cœur. »
El Malick Ndiaye : un pilier de la nouvelle dynamique
El Malick Ndiaye, élu président de l’Assemblée nationale, représente la troisième pièce maîtresse de cette reconfiguration politique. Proche collaborateur de Sonko, il incarne une nouvelle génération de leaders décidés à façonner l’avenir du Sénégal. Dans son discours d’investiture, il a tenu à exprimer sa gratitude : « Je remercie Son Excellence Bassirou Diomaye Faye, président de la République, ainsi que notre leader Ousmane Sonko. Leur soutien indéfectible et leur amitié ont été déterminants. »
Il a ajouté : « Ensemble, nous avons œuvré pour faire du Sénégal une nation souveraine et prospère, où chaque citoyen pourra réaliser son plein potentiel. » Toutefois, pour asseoir sa crédibilité, Ndiaye devra démontrer son indépendance en défendant les prérogatives du Parlement, au-delà de la simple validation des orientations de l’Exécutif.
Une gouvernance tripartite : chance ou risque ?
La répartition du pouvoir entre Bassirou Diomaye Faye, Ousmane Sonko et El Malick Ndiaye inaugure une configuration politique inédite au Sénégal. Cette gouvernance tripartite pourrait être un levier efficace pour accélérer les réformes, à condition que les rôles soient clairement définis et respectés.
Cependant, les risques de désordre institutionnel existent, surtout si les ambitions individuelles prennent le pas sur le projet collectif. La capacité de Sonko à jouer un rôle fédérateur, tout en respectant l’autonomie de ses alliés, sera cruciale pour maintenir cet équilibre.
En dépit de leurs succès initiaux, le trio Diomaye–Sonko–Ndiaye devra relever des défis colossaux, notamment la gestion des attentes populaires exacerbées par des années de promesses de changement. Si cette collaboration parvient à se consolider, elle pourrait poser les bases d’un modèle de gouvernance innovant et durable pour le Sénégal.