Cela sonne comme une ultime vengeance contre la police fédérale américaine, le fameux FBI, décrite par Donald Trump et ses proches comme un organe d’opposition illégale qui comploterait pour le faire tomber. Ce samedi 30 novembre, le président élu a confirmé sur son réseau Truth Social son intention de nommer l’un de ses proches, Kashyap "Kash" Patel, à la tête de l’institution que ce dernier promet de mater depuis des années.
Donald Trump n’a pas attendu que Christopher Wray, l’actuel directeur du FBI, qu’il avait lui même nommé, ne soit plus en service pour annoncer le changement qu’il compte opérer - qui doit toutefois être validé par le Sénat. Christopher Wray était devenu ces dernières années la bête noire du milliardaire et de ses soutiens, pour avoir enquêté sur le rôle du républicain dans l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021, ou encore sur la centaine de documents classifiés qu’il avait dissimulés après avoir quitté la Maison-Blanche. Il est désormais attendu qu’il soit rapidement limogé ou qu’il démissionne sans attendre là fin de son mandat de dix ans, qui court jusqu’en 2027.
Kash Patel, 44 ans, était déjà un proche de Donald Trump durant son premier mandat (2017-2021). Connaissant une ascension fulgurante, ce fils de migrants indiens avait occupé plusieurs postes à responsabilité, comme conseiller à la Sécurité nationale ou chef de cabinet au Pentagone. Selon Le Monde, "Donald Trump envisagea même de le placer à la tête des opérations politiques à la Maison-Blanche, à la mi-2019, avant de reculer". Avant de quitter le Bureau ovale en 2021, il avait aussi évoqué l’idée d’en faire le directeur de la CIA ou du FBI. William Barr, procureur général - pourtant républicain - de l’époque, a écrit dans ses mémoires qu’il faudrait lui "passer sur le corps" avant que Kash Patel ne prenne l’un de ces postes.
Figure très appréciée au sein du "monde MAGA" ("Make America Great Again"), Kash Patel est resté farouchement loyal au milliardaire républicain. "Kash est un juriste, enquêteur et combattant de l’Amérique d’abord, brillant, qui a passé sa carrière à dénoncer la corruption, défendre la Justice et protéger le peuple américain", le félicite aujourd’hui Donald Trump. Durant cette nouvelle mandature, il aura la tâche de "mettre fin à l’épidémie croissante de criminalité en Amérique, démanteler les gangs criminels et mettre fin au fléau maléfique de la traite des êtres humains et du trafic de drogues à travers la frontière", a expliqué celui qui a martelé tout au long de sa campagne présidentielle une violente rhétorique envers les migrants. S’il a travaillé "en tant que procureur fédéral et défenseur public", Kash Patel "n’a pas une expérience aussi vaste que celle de nombreux directeurs du FBI en matière d’application de la loi", souligne le quotidien économique britannique The Financial Time.
Le comble de cette nomination : Kash Patel promet depuis des années de démanteler le FBI, qu’il considère comme la tête pensante d’un "État profond". Conspirationniste achevé, il a écrit un livre sur cette théorie répandue parmi les soutiens du président élu, selon laquelle il existerait un gouvernement permanent de bureaucrates de gauche qui œuvreraient dans l’ombre contre Donald Trump. Dans Les gangsters du gouvernement : l’Etat profond, la vérité et la bataille pour notre démocratie, Kash Patel estime que le FBI est devenu un outil politique des démocrates, "si profondément compromis qu’il demeurera une menace pour la population à moins que des mesures drastiques ne soient prises". Il y plaide pour que ses dirigeants soient licenciés dans le cadre d’une campagne de purge visant à "soumettre" les forces de l’ordre fédérales.
Des phrases si vraies aux yeux du président élu que l’ouvrage a été qualifié par Donald Trump, pendant sa campagne, de "plan directeur pour reprendre la Maison-Blanche", rappelle le quotidien britannique The Guardian. Entre autres réformes, Kash Patel promet de fermer "dès le premier jour" le bâtiment central du FBI", de le transformer en "musée de l’Etat profond" et de déplacer le siège loin de Washington pour éviter à la direction "de s’engager dans des jeux politiques".
En 2018, après avoir été enquêteur au Congrès des Etats-Unis lors du "Russiagate", l’avocat a pris la lumière dans le "monde MAGA" en rédigeant une note devenue célèbre à l’encontre du grand ennemi de Donald Trump, le procureur spécial Robert Mueller. Kash Patel "a joué un rôle central dans la découverte de la Russie, du canular russe, en se tenant comme un défenseur de la vérité, de la responsabilité et de la Constitution", juge aujourd’hui Donald Trump.
Sa direction du FBI se présente comme donc une chasse aux sorcières, potentiellement boostée par la dénonciation publique sur les réseaux sociaux, spécialité du camp Trump. Fin 2023, déjà, il a juré au micro du podcast de Steve Bannon une vengeance terrible en cas de réélection de Donald Trump. "On va sortir et trouver les conspirateurs, pas seulement dans le gouvernement mais dans les médias", menaçait-il, en visant ceux qui ont aidé Joe Biden à "truquer les élections".
La nomination prévue de Kash Patel fait écho, selon le New York Times, à "sa tentative ratée de placer Matt Gaetz, un autre partisan fanatique, à la tête du ministère de la Justice". Mais "cette nomination pourrait se heurter à des obstacles au Sénat", juge le média américain, "qui sera appelé à le confirmer".
