Le pisco est-il né au Pérou ou au Chili ? L’esprit du lieu agite le monde du vin et des spiritueux. Partout en France, les vignerons ne se lassent pas d’explorer la richesse et la diversité de leurs terroirs. La connaissance et la compréhension des origines demeurent le meilleur moyen d’être… original.
Une querelle diplomatico-gastronomique déchire toujours le Chili et le Pérou. Tous deux se disputent la paternité du pisco, un peu comme l’Ecosse et l’Irlande celle du whisky. De fait, les premières traces écrites mentionnant cette eau-de-vie de raisin remontent à 1733 au Chili. Le testament de Marcelino Gonzales Guerrero, politicien et entrepreneur dans le village de Pisco Elqui, mentionne dans son inventaire la présence de vignes, d’équipements en cuivre servant à la distillation et de trois jarres pleines. Mais le camp d’en face rétorque que des vignerons basés au sud de Lima exportaient déjà leurs eaux-de-vie depuis le port de Pisco (Pérou) dès le XVIe siècle. Un argument balayé par les Chiliens, qui affirment que, à la même période, les colons espagnols adoptaient le pisco comme une alternative locale à l’orujo, une eau-de-vie d’Espagne…
Qu’importe l’histoire, pourvu que l’on ait l’ivresse, car au-delà de ce conflit, ce breuvage ne manque pas d’intérêt. Surtout pour les amateurs de distillat de raisin, brandy ou cognac. Celui du Chili cultive d’ailleurs une analogie avec ce dernier. Dans l’ordre chronologique, son AOC créée en 1931, la première en Amérique, est aussi la deuxième la plus ancienne au monde après le cognac (1909). Son cahier des charges précise sa zone de production : les régions d’Atacama et de Coquimbo, un terroir de 10 500 hectares né au pied du désert d’Atacama et où les vignes demeurent majoritairement cultivées en haute montagne avant de s’étendre jusqu’aux rives du Pacifique.
Ces vallées où les nuits fraîches alternent avec un grand soleil le jour donnent des raisins très sucrés. Si huit cépages sont autorisés, le muscat d’Alexandrie, le moscatel rose, le muscat d’Autriche, le torontel et le pedro jimenez prédominent. L’appellation distingue par ailleurs quatre grandes familles : le pisco transparent, qui repose dans des contenants en acier inoxydable, le guarda, qui exige six mois de vieillissement en barrique, le vieilli, qui bénéficie d’un élevage d’un an minimum en fût de chêne, et le premium, un titre décerné en fonction des grandes qualités d’une eau-de-vie. Selon les catégories, le pisco titre entre 30 et 43 % d’alcool.
Sous nos latitudes, le pisco reste surtout connu dans sa version sour, un cocktail rafraîchissant à mixer au shaker avec de la glace, du sucre, du jus de citron et éventuellement un blanc d’œuf. Boisson nationale au Chili (le pays en produit 36 millions de litres), le pisco se déguste également pur. Impossible pour les amateurs de passer à côté d’un Cogoti, 100 % muscat rose, vieilli douze mois en cuve inox.
Autre domaine intéressant : Alto del Carmen, de la vallée d’Elqui. Leur Reservado (neuf mois en fûts de chêne américain) dévoile de fines notes toastées et des arômes charmeurs de caramel et de fruits secs. Enfin, le pisco Waqar, qui ne connaît aucun élevage, délivre une incroyable palette aromatique (cannelle, gingembre, terre humide, champignon, poire, ananas…). Un bouquet qui prouve que le pisco a drôlement progressé depuis sa découverte par le capitaine Haddock dans Le Temple du soleil…