Des touristes ravis s'arrêtent pour prendre des photos de la troupe, depuis la route. Les riverains de Simon's Town, eux, sont moins impressionnés par cette scène du quotidien entre l'océan Atlantique et la montagne de la Table.
Quelque 500 babouins de l'espèce chacma, dont l'habitat s'est progressivement réduit, s'immiscent de plus en plus souvent dans les zones habitées pour trouver à se nourrir. Ils figurent parmi les plus gros singes, pouvant peser jusqu'à 40 kilos.
Inoffensifs pour la plupart, ils se servent dans les arbres fruitiers des jardins, mais s'invitent aussi lors de barbecues, profitant parfois de la piscine, ou fouillent les poubelles. Ils peuvent se montrer terriblement destructeurs lorsqu'ils parviennent à se faufiler dans une maison.
Les singes, aux comportement parfois si proches des humains, ont leur fans, qui leur attribuent des surnoms affectueux et relatent leurs aventures sur les réseaux sociaux. D'autres, exaspérés, sont moins tendres.
"Ils sont devenus tellement audacieux. Et bien plus domestiqués qu'ils ne devraient l'être", souligne Duncan Low, 60 ans, qui tient un magasin de glaces.
Les babouins débarquent même dans les cuisines de restaurants, se servent dans les assiettes. "Ils sont devenus obsédés par le sucre et le fast-food", souligne M. Low.
Selon l'écologiste Justin O'Riain, qui dirige l'Institut de la faune sauvage en Afrique à l'université du Cap, la tension entre humains et babouins n'a jamais été aussi vive.
Un babouin évoluant à la frontière entre zone sauvage et urbaine est "l'animal le plus difficile à gérer au monde", dit-il. "Ils sont costauds, peuvent grimper et apprendre les uns des autres: il n'y a aucun terrain qu'ils ne puissent conquérir".
Cambrioleur récidiviste
La ville du Cap, avec les parcs nationaux, a mis en place depuis longtemps un programme de surveillance des singes.
Certaines techniques de ces patrouilleurs, comme le tir au paintball pour éloigner les groupes ou l'abattage d'un animal particulièrement problématique, ont été critiquées, notamment parce qu'elles les "criminalisent".
Un mâle dominant, cambrioleur multirécidiviste devenu une célébrité locale, avait été tué en 2021 après avoir recruté une équipe et terrorisé un hameau de la péninsule, s'attaquant à l'intérieur des maisons, vides ou même face à leurs habitants médusés, plus de 40 fois en cinq mois.
Dans un contexte de plus en plus tendu, l’association Baboon Matters a porté plainte en mai contre les autorités, estimant qu'elles avaient échoué à mettre en place des mesures alternatives, comme la mise en place de clôtures et des poubelles compliquées à ouvrir pour les primates.
La ville a affirmé que son programme de surveillance se poursuivrait au moins pendant les fêtes, mais avec moins d'agents, le temps de réfléchir à des "solutions urbaines plus durables".
"Nous allons perdre notre première ligne de défense", regrette Justin O'Riain. Car en dépit des patrouilles, 33 babouins ont été tués entre juillet 2023 et juin dernier, le plus grand nombre depuis une décennie, notamment par tirs de fusils à plomb, collisions avec des voitures ou attaques de chiens.
Coexister avec les babouins nécessite "un certain effort" de la part des habitants, à commencer par la gestion du gaspillage alimentaire, estime Lynda Silk, militante écologiste locale. "On doit pouvoir gérer nos modes de vie pour minimiser les impacts négatifs".
Pour M. O'Riain, la seule solution viable est d'ériger dans certaines zones des clôtures composées de câbles électriques et de treillis souterrains pour empêcher les animaux de creuser en dessous.
Un prototype testé il y a une dizaine d'années atteste de son efficacité. "Les babouins peuvent venir se nourrir jusqu'au bord de la clôture et personne ne les dérangera", dit-il. "C'est une interaction totalement pacifique, gagnant-gagnant pour les gens et les singes".