Mercosur, les "entraves", les "normes"… Autant de sujets susceptibles de mettre le feu aux poudres. C’est dans un climat tendu, à l’approche de leurs élections professionnelles, que les agriculteurs s’apprêtent à entrer dans une deuxième semaine de mobilisation. S’ils protestent en ordre dispersé, ils sont déterminés à maintenir la pression sur le gouvernement. Moins d’un an après une mobilisation historique et après un "été pourri" marqué par de mauvaises récoltes et une flambée de maladies animales émergentes, les syndicats agricoles ont ressorti les tracteurs, estimant n’avoir pas obtenu suffisamment d’avancées concrètes dans les cours de ferme.
Après une première semaine de mobilisation contre le traité de libre-échange que l’Union européenne négocie avec des pays latino-américains du Mercosur, les actions devraient s’élargir à la dénonciation des "entraves" à la production dénoncées par l’alliance majoritaire FNSEA-Jeunes agriculteurs (JA) comme par son concurrent de la Coordination rurale (CR), 2e syndicat agricole. Le président de la FNSEA Arnaud Rousseau a annoncé de nouvelles actions avec les JA "mardi, mercredi et jeudi" pour "dénoncer les entraves à l’agriculture et tout ce qui aujourd’hui contraint notre activité".
Après des actions symboliques - feux de la colère, rassemblements - revendiquées dans 85 départements, les actions viseront par exemple des préfectures, agences de l’eau ou bureau de l’Office français de la biodiversité (OFB). "La quasi-totalité des départements prévoit d’entrer en action d’ici les prochains jours", ont prévenu les JA. Dimanche dans la matinée 37 agriculteurs avec 9 engins se sont mobilisés au cours de deux actions, selon les autorités, qui ont précisé qu’aucun incident n’était à déplorer.
Suivant le credo de la FNSEA - "Pas d’interdiction sans solution" -, les manifestants défendront notamment le retour de l’acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes, réclamé par les producteurs de noisettes et de betteraves à sucre. Nocif pour les pollinisateurs, il est interdit en France mais utilisé dans d’autres pays de l’Union européenne. Parmi les réclamations également : un accès accru à l’eau et la simplification du millefeuille de normes françaises et européennes, les efforts consentis par le gouvernement étant jugés encore insuffisants.
La Coordination rurale, qui a multiplié les coups d’éclat ces derniers jours, prévoit "d’amplifier" sa mobilisation au-delà du Sud-Ouest où se sont concentrées ses dernières actions. Après un barrage filtrant à la frontière espagnole, le blocage du port de commerce de Bordeaux ou une intrusion musclée dans un bureau de l’OFB, dont il demande la "dissolution", le syndicat a annoncé un rassemblement mardi devant le Parlement européen à Strasbourg. Au menu aussi cette semaine : une opération de curage des fossés dans les Hautes-Alpes. Les centrales d’achat restent des cibles privilégiées comme celles d’Alby-sur-Chéran et de Rumilly, dont le blocage a été annoncé, sur Facebook, à partir de 09h30 ce lundi par la Coordination rurale des deux Savoie.
Opposée depuis des décennies au libre-échange, la Confédération paysanne, héritière des luttes paysannes altermondialistes, continue ses mobilisations contre le Mercosur et "pour la défense du revenu paysan" et la transition agro-écologique. Elle prévoit notamment une mobilisation dans un supermarché en Essonne lundi et une action anti-Mercosur en Dordogne mardi. Toujours en Dordogne, différents convois prévoient, ce lundi, de converger en direction de la préfecture aux environs de 16 heures, à l’initiative de la FDSEA et des Jeunes Agriculteurs qui veulent souhaiter "la bienvenue" à la nouvelle préfète de la Dordogne qui prend ces fonctions ce lundi matin, selon France Bleu.
@lexpress ???? Les agriculteurs français se mobilisent contre la signature d'un traité commercial entre l'Union européenne et le Mercosur ("Mercado Comun del sur" en espagnol), une alliance économique qui réunit cinq Etats d’Amérique du Sud. L'Express répond à trois questions. #économie #agriculteurs #europe #UE #unioneuropéenne #mercosur #apprendresurtiktok #tiktokacademie #Sinformersurtiktok #newsattiktok
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En marge des revendications, la tension entre les syndicats est palpable sur le terrain. Vendredi, le ton était brusquement monté entre la FNSEA et la Coordination rurale, dont une cinquantaine d’adhérents de son fief du Lot-et-Garonne ont perturbé un déplacement d’Arnaud Rousseau à Agen. Dans une atmosphère électrique, les militants aux bonnets jaunes ont hué le patron de la FNSEA et menacé de l’empêcher de sortir, avant de le laisser rejoindre son véhicule sous escorte policière. Le président de la FNSEA, dans une déclaration à l’AFP, a déploré des "méthodes lamentables" et des "menaces pas acceptables", estimant que cette recherche de "l’escalade" ou du "buzz" ne faisait "pas avancer le projet agricole".
Cette confrontation intervient à quelques semaines du scrutin visant à élire les chambres d’agriculture départementales, à la fin de janvier 2025. Ce scrutin, qui a lieu tous les six ans, dessine les équilibres politiques entre les différentes organisations syndicales. La Coordination rurale, qui en préside trois actuellement, dont celle du Lot-et-Garonne depuis deux décennies, espère briser l’hégémonie de l’alliance FNSEA-JA et ravir "15 à 20 chambres" supplémentaires. En Dordogne par exemple, la Coordination rurale est sortie renforcée de la mobilisation de l’hiver dernier avec un nombre d’adhérents multiplié par sept, rappellent nos confrères de France Inter.
Dans ce climat tendu, où le risque de surenchère est scruté par les observateurs politiques, le gouvernement assure que la France progresse dans la construction d’une minorité de blocage à l’accord UE-Mercosur : après l’Italie, c’est la Pologne a exprimé son rejet vendredi. Un débat suivi d’un vote sur ce traité de libre-échange, que la France rejette en l’état, est prévu à l’Assemblée nationale le 26 novembre. Et la ministre française de l’Agriculture Annie Genevard a promis de s’attaquer au dossier des pesticides interdits et de nouvelles annonces dans les prochains jours sur "la simplification". Reste à savoir si le gouvernement arrivera à éteindre la colère rurale.