Poète, écrivain et peintre, M. Breytenbach avait quitté son pays natal au début des années 1960 pour s'installer à Paris, où il est devenu l'une des voix les plus influentes à s'opposer au système légal de ségrégation raciale en Afrique du Sud.
Considéré comme l'un des meilleurs écrivains de langue afrikaans, M. Breytenbach était le chantre blanc de la lutte contre l'apartheid, un combat qui lui a valu sept ans dans les geôles du régime raciste.
"Mon père, le peintre et poète sud-africain Breyten Breytenbach, s'est éteint paisiblement ce dimanche 24 novembre à Paris, à l'âge de 85 ans", a déclaré sa fille Daphnée Breytenbach.
M. Breytenbach a publié une cinquantaine de livres durant sa vie, dont "Confession véridique d'un terroriste albinos", son plus connu, tiré de son séjour en prison, et de nombreux volumes de poésie, écrits essentiellement dans sa langue maternelle, l'afrikaans.
"Immense artiste, militant contre l'apartheid, il a combattu jusqu'à la fin pour un monde meilleur. Naturalisé français en 1982 à sa sortie de prison, il vivait à Paris, tout en retournant régulièrement en Afrique du Sud", selon sa fille.
L'écrivain a passé sept ans en détention en Afrique du Sud, où il était retourné illégalement en 1975, dont deux années à l'isolement. Seul son frère aîné, commandant des forces spéciales de l'armée d'apartheid, était autorisé à le voir.
Le président français François Mitterrand avait contribué à sa libération en 1982. M. Breytenbach était alors retourné en France, dont il avait obtenu la citoyenneté.
Il a été fait chevalier de la Légion d'honneur et commandeur des Arts et des Lettres, les plus hautes distinctions culturelles en France.
"Rebelle au coeur tendre"
Breyten Breytenbach était né en 1939 à Bonnievale, une petite ville de la province du Cap (sud-ouest).
Il ne tolèrera jamais la ségrégation dans son pays, qu'il a quitté à 20 ans, abandonnant des études littéraires à l'université du Cap. Après une série de petits boulots dans plusieurs pays européens, il s'était établi à Paris.
Après son installation en France, il avait épousé en 1963 Yolande Ngo Thi Hoang Lien, d'origine vietnamienne. Il avait néanmoins continué à se rendre régulièrement en Afrique du Sud, où les mariages interraciaux étaient interdits et passibles de prison.
"Ses mots, ses toiles, son imagination, sa résilience continueront à nous guider", a dit Daphnée Breytenbach.
"Il laisse un vide immense. Il était l'être le plus exceptionnel qu’il m'ait été donné de connaître. Je suis immensément fière de l’appeler mon père", a-t-elle ensuite ajouté sur Instagram.
Dans un communiqué, l'ancien ministre français de la Culture Jack Lang s'est dit "très triste d'apprendre la disparition de (son) ami, le poète, le peintre et magnifique écrivain sud-africain Breyten Breytenbach".
"Rebelle au coeur tendre, il aura été de toutes les luttes en faveur des droits de l'homme. (...) L'Afrique du Sud, cette nation arc-en-ciel si chère à Nelson Mandela, lui doit beaucoup", a estimé M. Lang, saluant son "français irréprochable" et "son oeuvre littéraire rare, intransigeante et raffinée (qui) garde toujours un regard critique sur les errements du monde".
"Eclaireur des consciences, Breyten Breytenbach restera une lumière de nos imaginaires et un exemple de lutte en faveur de toutes les libertés", a conclu l'ancien ministre.
Le visage émacié et la barbe drue, l'écrivain naturalisé français, connu pour ses violentes colères, avait gardé une capacité d'indignation intacte après l'avènement de la démocratie multiraciale en 1994 en Afrique du Sud.
Il s'était rapidement montré déçu par la nouvelle élite, qu'il a comparée à une "parade sans fin de clowns corrompus, incompétents, indifférents et arrogants".
Jusqu'à sa mort, il a partagé son temps entre la France, les Etats-Unis, le Sénégal, où il dirigeait l'Institut Gorée pour la promotion de la paix en Afrique, et de brefs séjours dans son pays natal.