88 000 dollars. 90 000. 94 000. Depuis la victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine, on n’arrête plus le bitcoin. La célèbre cryptomonnaie enchaîne les records et atteint ce 22 novembre un pic historique. Donald Trump est perçu comme le catalyseur de cet emballement. Il a, de fait, mené une campagne très favorable aux cryptomonnaies, promettant entre autres de remplacer Gary Gensler - figure honnie des fans de bitcoins - à la tête de l’organisme de contrôle des marchés financiers (la SEC), et de créer une réserve stratégique de bitcoins.
Le président américain réélu n’est en réalité pas le seul moteur de ce boom. L’année 2024 était déjà un millésime exceptionnel pour le bitcoin, explique Claire Balva, vice-présidente de Deblock : "Il y a eu l’autorisation des ETF Bitcoin en janvier, puis la baisse des taux d’intérêt. Cela a poussé les investisseurs à diversifier leurs actifs et à aller sur le bitcoin". En mars, la plus célèbre des cryptomonnaie battait ainsi un record vieux de quatre ans, en dépassant pour la première fois les 69 000 dollars.
La hausse a continué en avril avec le halving, un évènement se déroulant tous les quatre ans, qui accélère la raréfaction du bitcoin et qui augmente mécaniquement son prix. Il est donc "réducteur de dire que Donald Trump a changé la donne pour le bitcoin", estime Stanislas Barthelemi, senior manager crypto chez KPMG France.
Ministres, directeurs d’agence… les nominations décidées par le président américain auront évidemment de l’influence sur les perspectives de l’industrie crypto. Mais aux Etats-Unis, "c’est le législatif qui a la main sur les questions de régulation", rappelle l’expert. Les entreprises outre-atlantique évoluent pour l’heure dans un cadre juridique flou. Contrairement à l’Union européenne, où le règlement Mica fixe des obligations précises aux sociétés, l’Etat fédéral américain n’a pas encore statué sur le sujet. Ce sont les choix législatifs en la matière qui détermineront la météo des crypto.
Le secteur qui le sait bien avait d’ailleurs créé des "Pacs" (organisation privée de financement des élections) ad hoc et versé des centaines de millions de dollars afin de soutenir la campagne de candidats plus attentifs à leur demandes. Une stratégie qui a eu un certain succès. Stand With Crypto a ainsi calculé que 276 représentants (membres de la chambre basse du Parlement américain) et 22 sénateurs ayant des positions favorables au secteur avaient gagné un siège. De quoi faciliter la mise en place de lois et de réglementations plus avantageuses pour les actifs numériques.
Est-ce à dire que l’avenir du Bitcoin est assuré ? Rien n’est moins sûr. Le cours du bitcoin a toujours répondu à des logiques cycliques. Lorsque le cycle actuel, particulièrement positif, se terminera, la chute pourrait être impressionnante. Lors de la dernière phase baissière, en 2022, le bitcoin était passé de 68 800 dollars à 15 000 en quelques mois. "On ne sait jamais combien de temps les phases d’euphories durent, c’est difficile de dire ce qu’il se passera sur le long terme", reconnaît Stanislas Barthelemi.
Le bitcoin pourrait ne pas être le grand gagnant de l’histoire. L’hypothèse que les Etats-Unis dépensent des dollars pour créer une sorte de réserve nationale de bitcoin est plus qu’incertaine, souligne le Wall Street Journal. Par ailleurs, un assouplissement régulatoire n’aurait guère d’impact concret sur le bitcoin, celui-ci étant considéré comme une marchandise et non comme une valeur mobilière par la SEC. C’est aux alt-coins (les cryptomonnaies alternatives au bitcoin) qu’une régulation plus douce ouvrirait en réalité de nouvelles perspectives. Ce qui créerait simultanément une concurrence accrue au bitcoin.
Un alt-coin profite déjà de la nouvelle configuration politique aux Etats-Unis : le Dogecoin. Cette cryptomonnaie, nommée en l’honneur d’un chien star d’Internet, a été créée par des développeurs pour dénoncer avec humour la spéculation autour des cryptomonnaies. Leur création a fini par les dépasser : le Dogecoin a été adopté par de nombreux fans de crypto, au premier rang desquels un certain… Elon Musk. Le PDG de Tesla a d’ailleurs, à plusieurs reprises, fait bondir sa valorisation en faisant allusion à cette cryptomonnaie dans des tweets.
Lorsque Donald Trump a nommé Elon Musk à la tête d’un ministère surnommé Doge pour "Department of Government Efficiency", sa valeur a encore bondi. Aujourd’hui, le Dogecoin est la septième cryptomonnaie la plus importante au monde en termes de capitalisation boursière, à plus de 55 milliards de dollars. Une tendance qui pourrait perdurer tant qu’Elon Musk reste un des favoris de Donald Trump.