À la chapelle Saint-Pierre de Lucerne, les fidèles ont eu l’occasion de s’adresser à un Jésus numérique grâce à un hologramme animé par l’intelligence artificielle. Ce projet artistique, intitulé «Deus in Machina», a permis à des visiteurs de poser leurs questions ou de partager leurs pensées dans un confessionnal où l’écran affiche un visage animé de Jésus.
Dès l’entrée, l’IA avertit : «Ne divulguez pas d’informations personnelles. Utilisez ce service à vos risques et périls.» Une fois cette condition acceptée, les visiteurs posent leurs questions et reçoivent des réponses générées par une IA formée à partir du Nouveau Testament et de contenus religieux en ligne.
Parmi les questions posées, certains ont interrogé l’IA sur des dilemmes théologiques complexes. En réponse à une question sur le suicide assisté, la machine évoque la nécessité d’accompagner la personne «avec amour, sans juger».
Environ deux tiers des visiteurs ont déclaré avoir vécu une expérience «spirituelle», certains affirmant même se sentir «réconfortés» ou avoir reçu des conseils enrichissants. «Bien qu’il s’agisse d’une machine, elle m’a donné des conseils, y compris d’un point de vue chrétien», a confié une participante. Cependant, tout le monde ne partage pas cet enthousiasme. Certains critiques qualifient le projet de «gadget» ou trouvent les réponses «génériques». Des voix plus sceptiques, rapportées par le média américain VICE, comme celle du professeur d’éthique Peter Kirchschläger, estiment que «les humains restent supérieurs aux machines pour les soins pastoraux et la foi», appelant à la prudence face à une telle utilisation de l’IA.
L’objectif de ce projet, limité dans le temps (du 23 août au 20 octobre, avec quelques événements jusqu’à fin novembre), n’est pas de remplacer les prêtres, assure Marco Schmid, théologien de la chapelle, comme le rapporte le New York Post. «Nous voulions lancer une discussion sur le rôle de l’IA dans la religion en offrant une expérience concrète», explique-t-il. Malgré ses limites, l’IA Jésus est capable de parler 100 langues et de fournir un accès pastoral 24 heures sur 24, des avantages que Marco Schmid considère comme précieux, notamment dans un monde où les prêtres ne peuvent répondre à toutes les sollicitations.
Cette expérimentation a ouvert une réflexion sur la place que l’intelligence artificielle pourrait occuper dans le cadre religieux. L’IA pourrait-elle, un jour, jouer un rôle de soutien pastoral, voire remplacer certaines tâches des responsables religieux? Si l’idée fascine, elle divise. Pour certains, l’IA pourrait élargir l’accès à des services pastoraux. Pour d’autres, toujours selon le Daily Mail, notamment des théologiens comme Kirchschläger, il est essentiel de ne pas déléguer les questions de foi et de sens à des machines, rappelant que l’interaction humaine reste irremplaçable.
Si «Deus in Machina» a marqué les esprits, il a aussi mis en lumière les défis éthiques que pose l’introduction de l’IA dans des domaines aussi personnels que la religion. Comme l’exprime un visiteur au média allemand Deutsche Welle, «cette expérience soulève des questions sur les limites de la technologie et son rôle dans nos vies spirituelles».