On aurait du mal à dénicher plus fin et plus lucide observateur des mœurs et travers politiques que le cardinal de Retz. On lui doit cette saillie de vive intelligence, fruit d’une longue expérience dans le sérail: « Il sied encore plus mal à un ministre de dire des bêtises que d’en commettre ». Certes, Jordan Bardella n’est pas ministre. Du moins pas encore. Ce qui prouve au moins que proférer des bourdes n’est pas une exclusivité ministérielle, même si la corporation n’en est guère avare. Les exemples abondent. On pourrait en faire des dictionnaires entiers.
Invité sur BFMTV, le président du Rassemblement national a lâché ce propos : « Ne pas avoir de condamnation à son casier judiciaire est pour moi une (la) règle numéro une lorsqu’on souhaite être parlementaire de la République. » Noble principe, mais fâcheuse franchise dans le contexte actuel. L’intervieweur saisit évidemment la balle au bond. Il n’allait pas laisser passer l’aubaine. « Et si Marine Le Pen est condamnée ? » décoche-t-il avec gourmandise. Aïe ! L’imprudent tente de s’en tirer, jouant sur le « avec des si… », vous voyez. Pas formidablement convaincante, la contre-offensive, on en convient. On se dit que le mal est fait.
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Dans la minute, quasiment toute la presse et la cohorte si nombreuse des opposants de la droite nationale s’emparent de la bévue, en font des gorges chaudes. Et des caisses. C’est le cas du programme de Yann Barthès, Quotidien, qui, dans le temps d’une seule et même émission, diffuse l’extrait à cinq reprises. Pas moins. Quand on a un os à ronger, allons-y gaiement ! Quotidien excelle dans cet exercice. C’est là sa zone de confort. Faire son miel des scories, des maladresses, des faux-pas. Entendons-nous bien ! Seulement quand ceux-là viennent de droite, naturellement. Ceux pondus par la gauche sont le plus souvent absous d’emblée ! Ce qui est, me semble-t-il, fort raisonnable, car ils sont si nombreux qu’on n’en finirait pas et qu’on risquerait l’overdose chaque soir.
En fait, la fringale, la voracité de vautours avec laquelle tout ce petit monde est tombé à bras raccourcis sur le président du RN révèle en creux une réalité qui, quant à elle, tournerait plutôt à son avantage et à celui de son parti. En fait, ils n’ont trouvé que cela ! Rien d’autre ! C’est cela l’os à ronger, et ce n’est rien de plus. Depuis les législatives et les onze millions d’électeurs en faveur du RN, ils sont aux aguets et sur les nerfs, traquant la moindre erreur stratégique, la plus ténue faute politique que pourraient commettre ses responsables et leur formation. Sans grand succès, il faut bien le dire. La frénésie avec laquelle ils se sont jetés sur le nonos, l’exploitation en boucle du passage dans Quotidien (pour nous limiter à cette référence médiatique), ne sont que la criante – et de mon point du vue, la jubilatoire – révélation de leur fiasco en la matière.
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