Ce sont des euphémismes qui jalonnent le dossier administratif du père Philippe Pouzet, âgé de 70 ans. Il comparait depuis hier pour des viols sur un enfant, des agressions sexuelles sur quatre autres, notamment lorsqu’il était prêtre, à Massiac, de 2011 à 2017.
« Il serait imprudent d’engager un tel homme dans le ministère presbytéral », estime un supérieur, en 1990, en refusant de le laisser poursuivre son parcours. L’accusé a eu sa vocation à 19 ans, mais n’a souhaité devenir prêtre, qu’en 1984, à 30 ans. Il est vite décelé des « problèmes d’affectivité », des « moments d’abandons » qui ont conduit à des « incidents ».
Les gendarmes mettent rapidement des réalités sur ces mots. En 1984, à Sommières (Gard) : alors maître d’internat, Philippe Pouzet est jugé pour avoir agressé sexuellement deux enfants. La condamnation à trois mois de prison avec sursis a disparu du casier.
De 1990 à 1994, au moins trois autres faits similaires apparaissent à Rome (Italie) et dans les Bouches-du-Rhône. Systématiquement, l’ecclésiastique parvient à se retrouver seul dans une chambre avec un adolescent et des abus ont lieu.
L’Église connaît les faits de 1984. Pour le reste, la sémantique est floue mais les échanges, nombreux, reflètent l’inquiétude des interlocuteurs, à mots couverts. L’homme est finalement vu par un prêtre-psychiatre, qui lui reconnaît « une tendance homosexuelle ».
Et c’est ainsi que le père Pouzet est ordonné prêtre, en 1995, dans un petit diocèse qui ne permet pas de l’éloigner des mineurs. Ni une lettre de 2012 dénonçant d’autres faits, en 2001, mais avec un jeune majeur « et qui me semblaient d’un autre ordre », ni une lettre d’excuse du père Pouzet « qui n’était pas datée » ne poussent l’évêque Mgr Bruno Grua (2006-2021) à remettre en cause son ministère.
Une victime en pleurs à la messePuis, il apprend que Philippe Pouzet fait dormir des enfants chez lui, à Massiac, en avril 2017. Un signalement au procureur aboutit à un non-lieu. Finalement, l’une des victimes, s’effondre en pleurs à la messe en septembre 2018, alors que le successeur de Philippe Pouzet évoque la pédophilie.
Philippe Pouzet est suspendu de son ministère. Trop tard ? « On relit l’histoire en sachant ce qu’il s’est passé, se justifie Mgr Grua. Bien sûr que, de temps en temps, je me dis que j’aurais dû être plus vigilant. »
La directrice d’enquête a un regard, laïc, plus sévère. « Une dizaine de prêtres, dont des évêques, étaient au courant. Je ne sais pas pourquoi il n’a pas été écarté de son sacerdoce. »
Pierre Chambaud