Stressé du vide, s’abstenir. Le sentier qui coiffe la Montagne percée, à Orcines, tutoie un à-pic de 20 mètres prêt à vous happer au moindre écart. C’est ici, sur ce balcon naturel qui offre aussi une vue splendide sur Clermont-Ferrand, que nous croisons Loïc, 31 ans, sapeur-pompier professionnel à la caserne de Clermont-Ferrand.
Travail sur falaiseCasques et baudriers d’escalade, regard concentré, le trentenaire attend avant de descendre en rappel la vertigineuse paroi rocheuse. Et ce, en évitant de frotter ses cordes contre la pierre, en utilisant les bons nœuds et en manœuvrant avec souplesse et rapidité, comme tout bon membre du Secours en milieu périlleux et montagne (SMPM), qu’il entend intégrer.
Le SMPM a sorti les gros moyens, début octobre, au pied du puy de Dôme, pour former ses recrues aux interventions sur structures métalliques.Forte de 50 hommes dans le Puy-de-Dôme, cette spécialité dédiée aux sauvetages en terrains compliqués est l’une des plus prisées par les soldats du feu. « Cela fait un bon moment qu’elle m’attire », confie Loïc. « J’aime tout ce qui est intervention en hauteur, le travail sur les cordes, les sports extérieurs… »Mais le parcours pour pouvoir y prétendre est exigeant.
Premier stage pour les recruesCe jour-là, à la Montagne percée, dix sapeurs-pompiers aux gestes calmes et à la silhouette affûtée, se forment pour pouvoir passer le niveau 1, après avoir déjà passé le filtre d’une première sélection. « On leur apprend à être autonome sur cordes, à équiper un site pour travailler en sécurité… », détaille le lieutenant Ludovic Magnin, référent départemental adjoint de la spécialité.
Manœuvre sur falaise sur le site de la Montagne percée, à Orcines.Ce premier stage dure cinq jours durant lesquels les postulants enchaînent des tests et des exercices tout aussi acrobatiques les uns que les autres, sur divers sites du département. "La fin de la semaine va être dure, les tendinites commencent à arriver…", sourit Ludovic Magnin. C’est à ce prix que le SMPM parvient à garder un haut niveau de compétences.Les candidats sont généralement des pratiquants aguerris de sports de pleine nature.
"On ne cherche pas spécialement des machines de guerre mais des gars qui soient à l’aise. Car nous intervenons là où les pompiers classiques ne peuvent pas intervenir. Si nous n’y arrivons pas, il n’y a personne derrière nous pour le faire."
Ces missions de l’extrême ne manquent pas : plus de 300 par an. "Cela évolue d’année en année avec le développement des sports nature, la randonnée, le trail, le parapente…" Malaises, chevilles fracturées, accidents de bucheronnage et autres situations de détresse en pleine nature, notamment dans la chaîne des Puys, constitue le gros de leurs activités.
Mais les spécialistes peuvent aussi être appelés en ville, pour évacuer des personnes obèses par la fenêtre de leurs appartements ou récupérer une victime coincée sur un manège, par exemple. "On intervient lorsque cela devient trop technique, avec des cordes de grande longueur, du matériel spécifique…"
Catastrophes naturelles. Les événements climatiques de haute intensité, tels les épisodes de grêle ou de vent qui ont frappé la région dernièrement, se multiplient. Un nouveau défi pour les sapeurs-pompiers du SMPM. « Les catastrophes naturelles sont de plus en plus fréquentes », constate le lieutenant Magnin. « Nous avons été quelques-uns à être formés pour gérer ces missions, notamment à faire du bâchage, à travailler sur des mises en sécurité de bâtiment. » L’unité a aussi investi dans du matériel : des filets pour sécuriser les objets, des sellettes, des porte-outils…
D’où une excellente connaissance des équipements ainsi que des entraînements fréquents, qui prennent en compte toutes les situations à risques. "On doit se tenir à jour et faire évoluer nos techniques, c’est aussi ça qui est passionnant", précise le commandant Vincent Beaudry, référent départemental.
D’où, également, cette formation poussée pour les nouvelles recrues. Après leur stage de niveau 1, les dix postulants ne seront pas encore aptes à partir en intervention. Il leur faudra, pour cela, participer à un autre stage de 15 jours où seront abordées toutes les manœuvres de sauvetage (tyrolienne, intervention en ravin) et enfin décrocher un examen final.
La permière semaine de formation s'est terminée en beauté avec une descente en rappel de 120 mètres puis une remontée, au viaduc des Fades. Photo sapeurs-pompiersPas de quoi décourager Loïc. « C’est assez difficile mais je trouve ça super intéressant, on apprend plein de nouvelles techniques », confie le trentenaire avant de s’élancer dans le vide. Avec rapidité et souplesse.
330 Interventions en 2023. Un chiffre en augmentation. Le SMPM arme aussi Dragon 63, l’hélicoptère de la sécurité civile, pour des missions propres aux sapeurs-pompiers ou tout autre motif.
50 sapeurs-pompiers spécialisés, dans le Puy-de-Dôme, issus de toutes les casernes du département. Un secours SMPM est composé de quatre équipiers (casques rouges) et d’un chef d’unité (casque blanc). L’unité est mobilisable 24h/24 et sept jours sur sept.
Olivier Choruszko