L’un des objectifs principaux de l’offensive israélienne a été atteint. Israël a annoncé jeudi 17 octobre que le chef du Hamas, Yahya Sinouar, avait été tué lors d’une opération à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, sans confirmation officielle du mouvement islamiste jusqu’ici. Dans un message vidéo diffusé dans la nuit, le Premier ministre Benyamin Netanyahou a assuré que cette mort marquait "le début de la fin" la guerre à Gaza.
Présenté par Israël comme l’architecte de l’attaque du 7 octobre 2023 sur son sol, cet activiste radical de 61 ans dirigeait depuis 2017 le mouvement islamiste palestinien dans la bande de Gaza, avant d’être nommé début août chef politique du Hamas après la mort d’Ismaïl Haniyeh fin juillet.
L’armée et les services du renseignement intérieur israéliens "confirment, qu’après une traque d’un an", des soldats "ont éliminé Yahya Sinouar" mercredi, a indiqué Tsahal. Si les actions militaires d’Israël ont poussé le chef du Hamas dans ses retranchements, l’opération qui lui a coûté la vie s’est pourtant déroulée un peu par hasard.
Dans la soirée, le porte-parole de l’armée et contre-amiral Daniel Hagari a précisé les conditions de cette élimination. Selon ses dires, Yahya Sinouar aurait été repéré mercredi par des soldats en compagnie de deux autres combattants dans le quartier Tel Sultan de Rafah, à l’extrême sud du territoire. Une localisation corroborée jeudi soir par la chaîne de télévision saoudienne Al-Arabiya.
Les soldats auraient alors tiré sur le groupe, le forçant à se disperser. "Sinouar s’est engouffré seul dans un bâtiment et nos forces ont inspecté la zone avec un drone", a expliqué lors d’une déclaration télévisée Daniel Hagari en montrant une vidéo filmée par le drone.
Raw footage of Yahya Sinwar’s last moments: pic.twitter.com/GJGDlu7bie
— LTC Nadav Shoshani (@LTC_Shoshani) October 17, 2024
Dans cette vidéo, relayée sur le réseau social X, un homme blessé présenté comme le chef du Hamas est assis dans le fauteuil d’un salon éventré au premier étage d’un bâtiment partiellement détruit, le visage caché par un tissu qui pourrait être un keffieh. Il a dans la main un objet ressemblant à un sabre, qu’il jette finalement sur le drone. Selon l’armée, ces images sont celles de Yahya Sinouar "quelques instants avec son élimination".
"Nous avons tiré sur ce bâtiment avant d’entrer", a précisé Daniel Hagari. Après ces tirs, les soldats israéliens "ont trouvé la zone jonchée d’explosifs et se sont approchés des corps avec précaution", raconte le quotidien américain New York Times. Selon le porte-parole de l’armée israélienne, le corps de Yahya Sinouar aurait alors été retrouvé "avec un pistolet et 40 000 shekels [environ 10 000 euros]". En tout, trois combattants auraient été tués dans cette opération, selon les forces israéliennes.
Une fois le corps identifié par ADN jeudi, l’assassinat de Sinouar a été célébré comme une victoire par Israël, après plus d’un an de traque intensive du chef du Hamas dans la bande de Gaza : l’homme à la chevelure blanche et aux épais sourcils noirs n’était pas apparu en public depuis octobre 2023. "L’armée et le Shabak [renseignement intérieur, NDLR] ont opéré pendant des mois pour apporter des renseignements afin d’éliminer Yahya Sinouar", a précisé le contre-amiral Daniel Hagari.
Toutefois, la rencontre des soldats israéliens avec le chef du Hamas dans le quartier de Tel Sultan à Rafah serait due à un coup de chance. Bien que les forces israéliennes opéraient "ces dernières semaines" dans ce secteur à la suite d’informations indiquant la présence probable de hauts responsables du Hamas, selon l’armée israélienne, le quotidien israélien Haaretz affirmait jeudi que les troupes engagées dans l’opération de mercredi ne disposaient pas d’informations sur la présence de Yahya Sinouar dans la zone.
L’agence de presse britannique Reuters précise ainsi que "contrairement à d’autres dirigeants militants traqués et tués par Israël, […] l’opération qui a finalement tué Sinouar n’était pas une frappe planifiée et ciblée, ou une opération menée par des commandos d’élite". Le chef du Hamas aurait "été trouvé par des soldats d’infanterie de la brigade de Bislach, une unité qui forme normalement les futurs commandants d’unités", rapporte ce média.
Pour autant, cette rencontre fortuite est le résultat d’un travail d’usure de l’armée israélienne. Comme le résume Reuters, l’armée et les services de renseignement israéliens "ont progressivement restreint la zone dans laquelle il pouvait opérer" par leurs actions militaires, au prix de dizaines de milliers de vies palestiniennes. Depuis un an, au moins 42 000 Palestiniens ont été tués dans l’offensive israélienne à Gaza, selon les données du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas, jugées fiables par l'ONU.
Dans les derniers mois de sa vie, Yahya Sinouar "semblait avoir cessé d’utiliser des téléphones et d’autres équipements de communication qui auraient permis aux puissants services de renseignement d’Israël de le traquer", complète l’agence britannique. "Beaucoup pensaient qu’il se cachait sous terre à Gaza et qu’il s’était entouré d’otages pris à Israël", explique le New York Times.
Selon Israël, l’ADN de Sinouar avait notamment été retrouvé "dans un tunnel à quelques centaines de mètres de l’endroit où les corps de six otages israéliens ont été retrouvés il y a six semaines", rapporte le journal américain. Il a finalement été tué à la surface mercredi, sans "aucun signe de présence d’otages" à proximité, a affirmé jeudi l’armée israélienne.