Hier encore détracteurs acharnés du Pastef, certains politiciens se tournent aujourd’hui vers le parti d’Ousmane Sonko. Motivés par le besoin de préserver leurs privilèges, conserver leurs postes, ou se mettre à l'abri de poursuites judiciaires, ces nouveaux transhumants illustrent l’une des dérives les plus persistantes du paysage politique sénégalais : la transhumance.
Lorsque le Pastef a accédé au pouvoir, l'espoir était grand de voir cette pratique disparaître. Mais il n’en est rien. Comme après l'alternance de 2000 avec la ruée vers le PDS, et en 2012 vers l’APR, le parti d’Ousmane Sonko devient aujourd'hui la nouvelle destination privilégiée de nombreux élus, au grand dam des militants de la première heure. Un ancien collaborateur d’une figure politique sénégalaise résume cette réalité en soulignant : « Ces pratiques ne disparaîtront jamais. Elles vont même s’intensifier avec l'approche des élections. »
Déjà, des tensions apparaissent au sein du Pastef. À Madina Wandifa, des militants dénoncent les tentatives de leur maire, Malang Séni Faty, de se rapprocher du pouvoir. Le maire aurait rencontré Olivier Boucal, ministre de la Fonction publique, suscitant la colère des militants locaux. Ce dernier se défend en affirmant vouloir rester à l’APR, tout en annonçant qu’il soutiendrait le candidat de Diomaye Faye pour les législatives.
La situation est similaire à Nioro, où Moustapha Jr Thiam, proche de l’ancien DG de la Sapco, multiplie les initiatives pour intégrer le cercle du pouvoir. Malgré ses anciennes critiques contre Sonko, il affiche aujourd’hui un soutien sans faille au leader du Pastef. Ces manœuvres créent de fortes réticences au sein de la base militante, qui dénonce une alliance incohérente avec d’anciens adversaires politiques.
Dans un communiqué, Moussa Diallo de Porokhane met en garde : « Une telle transhumance est aberrante. Comment pouvons-nous nous allier à ceux qui insultaient ouvertement Ousmane Sonko il y a encore quelques mois ? » Ce sentiment d’incompréhension se traduit par une méfiance accrue envers les candidats investis, sommés de ne pas céder à ces alliances opportunistes.
Pour certains élus, rejoindre l’opposition est impensable. Kouka Faty, militant de Madina Wandifa, critique avec véhémence Malang Séni Faty : « Depuis 2009, il a toujours navigué selon les régimes au pouvoir. Aujourd’hui encore, il essaie de garder son poste pour protéger ses avantages. »
Le phénomène de transhumance continue de diviser les militants du Pastef, déterminés à résister à l’infiltration d’opportunistes. Alors que les législatives approchent, ces tensions internes révèlent les défis que doit relever le parti d’Ousmane Sonko pour préserver sa cohérence et sa crédibilité.
Avec Quotidien EnQuête