"Le travail qu'il y a à faire: c'est une montagne", constate Aurélie Baïba, qui travaille dans un centre social d'Annonay, la sous-préfecture d'Ardèche, dont le centre a été submergé jeudi quand un barrage voisin a débordé.
Depuis, l'eau s'est retirée et les passants marchent prudemment sur les amas de boue. Balais à la main, les commerçants repoussent les débris, tandis qu'un tractopelle nettoie la chaussée. Mme Baïba et ses collègues ont installé une table avec du thé, du café et des encas. "La solidarité s'organise", dit-elle.
Cet épisode pluvieux touche vendredi matin encore "une grande partie de l'ex-région Midi-Pyrénées, en progressant lentement vers le sud", précise Météo France, prédisant "une perte d'intensité en cours d'après-midi".
La France n'avait pas connu "d'épisode cévenol d'une telle violence depuis 40 ans", a relevé le Premier ministre Michel Barnier. Les pompiers ont effectué au total plus de 2.300 interventions et ont permis de "sauver des vies", a-t-il ajouté.
Trois blessés légers ont été recensés. A Paris, un arbre est tombé sur une famille, dont le père n'a pas survécu, sans que le lien avec les intempéries ne soit formellement établi.
"Pagaie"
Un millier de personnes ont été évacuées et 25, qui se trouvaient en grande difficulté, hélitreuillées par les pompiers. Une partie a passé la nuit dans des centres d'hébergement ouverts par les autorités.
Achille, un Congolais âgé de 57 ans, a été hébergé dans le gymnase d'une école à Grigny, au sud de Lyon. "Ils se sont organisés pour nous donner des petits lits, des couvertures thermiques, de l'eau, des chips, tout ce qui peut amuser la bouche", raconte ce demandeur d'asile qui préfère taire son nom.
La veille, il avait dû quitter son foyer, menacé par la montée de la rivière Gier. "Les pompiers sont venus nous chercher sur leurs bateaux de fortune, avec leurs pagaies".
Ce matin, "on nous a dit que l'eau avait baissé", mais il reste de la boue alors, en attendant que son foyer redevienne vivable, il patiente dehors en savourant le retour du soleil.
"Massif"
Près de 3.000 pompiers restent mobilisés vendredi, ainsi que des forces de l'ordre. Un hélicoptère de la gendarmerie fait des vols de reconnaissance au-dessus des zones sinistrées pour évaluer les dégâts.
Dans les boutiques d'Annonay, les commerçants s'affairent pour trier ce qui peut être sauvé. Des affaires et objets boueux sont sortis des locaux et posés sur les trottoirs, comme un bric-à-brac.
Jérôme Odouard a "tout perdu" dans son atelier de bijou. "Les caves sont sous l'eau on attend la pompe, après il faudra vider la boue (...) Là faut tout refaire. J'ai tout monté moi même ça fait 10 ans, on va recommencer", dit-il dépité.
Dans ce département, le volume des cumuls de pluie a atteint 700 mm dans les Cévennes.
"On est face à quelque chose de massif", a commenté sur BFM TV/RMC la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher, qui doit se rendre sur place dans la journée. Il faut, selon elle, se préparer à la recrudescence de ce type d'épisodes "liés au dérèglement climatique".
"Eau boueuse"
Le gouvernement déclarera "au plus vite" l'état de catastrophe naturelle, qui permet d'enclencher les assurances, a assuré sur France Info le ministre délégué chargé de la sécurité du quotidien, Nicolas Daragon, en évoquant une "dizaine de jours".
Quelque 4.000 foyers sont encore privés d'électricité, selon un bilan d'Enedis à 08H30.
A la veille des vacances de la Toussaint, les établissements scolaires n'ont pas ouvert en Ardèche, dans 52 communes du Rhône et 39 dans la Loire.
La circulation des trains a repris le long du littoral dans les Alpes-Maritimes mais reste interrompue en Occitanie, notamment autour de Toulouse, et entre Lyon et Saint-Etienne.
L'autoroute A47 reste fermée au niveau de Givors, au sud de Lyon. Le pompage de l'eau "risque d'être très long. L'eau est boueuse avec des déchets. L'autre enjeu est l'évacuation des véhicules puis le nettoyage et la vérification des ouvrages et de la route", selon la préfecture.