Le 5 octobre, Emmanuel Macron appelait à arrêter la livraison d’armes à Israël. Suscitant l’ire de Benyamin Netanyahou et l’incompréhension d’une partie de la classe politique française quant au timing de cette déclaration, à deux jours des commémorations des massacres du 7 octobre, l’attaque terroriste la plus meurtrière de l’histoire de l’Etat hébreu. Lorsque nous interrogeons le chercheur israélien Shany Mor ce 8 octobre pour avoir son regard d’universitaire mais aussi de citoyen sur l’évolution du conflit à Gaza et ses implications, c’est naturellement que nous lui demandons son ressenti après cette déclaration du président français. "Si Emmanuel Macron considère que le prix à payer pour qu’Israël gagne cette guerre, c’est d’accepter un cessez-le-feu qui reviendrait à maintenir le Hamas en place, en laissant ainsi à quelqu’un d’autre le soin de régler ce problème dans cinq ans, je ne pense pas que quiconque en Israël puisse accepter cela", répond sans détour ce maître de conférence en théorie politique à la Reichman University, située près de Tel-Aviv.
Des propos d’autant plus "préjudiciables" selon lui qu’ils "renforcent la petite musique qui voudrait criminaliser Israël à tout prix". Et alors que selon Shany Mor, les événements du 7 octobre ont révélé au grand jour "une offensive généralisée contre les juifs, sous couvert de combattre le gouvernement d’Israël". Un gouvernement qu’il n’épargne pas au passage, le jugeant "néfaste" pour les intérêts et appelant à le remplacer si Israël veut avoir une chance de remporter cette guerre. Entretien.
L’Express : Un an après les évènements tragiques du 7 octobre et alors que la tension est à son comble au Moyen-Orient, quel regard portez-vous sur ce conflit ?
Shany Mor : D’abord, sur le plan militaire, je pense qu’il est absolument crucial qu’Israël gagne cette guerre et qu’Israël et la communauté internationale fassent en sorte que les horreurs du 7 octobre ne puissent pas se reproduire. Sur le plan intérieur ensuite, nous avons un gouvernement qui n’a pas réussi à protéger notre pays le 7 octobre, qui est la pire catastrophe sécuritaire de tous les temps en Israël. J’estime qu’une grande partie de cet échec est profondément idéologique. Cela tient essentiellement à la mainmise institutionnelle de l’extrême droite et du mouvement d’implantation en Cisjordanie sur les priorités et la politique d’Israël. Ce problème ne date pas d’hier mais il s’est considérablement aggravé depuis le retour au pouvoir fin 2022 de Benyamin Netanyahou et de ses alliés ultraorthodoxes et d’extrême droite. Il est donc crucial de tirer au niveau national les leçons du 7 octobre. Et de remplacer ce gouvernement. Pas tant pour punir ceux-là mêmes qui étaient au pouvoir au motif qu’ils ont échoué. Mais parce que c’est une nécessité si l’on veut se donner les moyens de poursuivre cette guerre correctement et la gagner.
Sur le plan international, vous vous inquiétez de ce vous appelez "l’antisémitisme géostratégique".
Oui. Cet antisémitisme géostratégique ou antisionisme contemporain auquel on assiste dans une grande partie de l’Occident n’est pas une affaire de préjugé ou d’ignorance de la part de ses auteurs. Il s’agit d’une idéologie réfléchie qui repose sur trois idées : d’abord, faire d’Israël le mal unique et irrémédiable dans le monde. Ensuite, faire des juifs en Occident, en particulier les juifs américains, les membres d’un puissant réseau visant à faire taire toute opposition, et qui utiliserait son argent et ses relations pour protéger les crimes israéliens de toute critique. La troisième idée consiste à dire que la Shoah n’est pas un événement unique en soi, et de considérer que ce que font les Israéliens aux Palestiniens, c’est en quelque sorte la même chose. Ces trois idées ont été développées et cultivées ces quarante dernières années, en particulier dans des cercles intellectuels très éduqués. Ce que les événements du 7 octobre ont révélé au grand jour, c’est une offensive généralisée contre les juifs, sous couvert de combattre le gouvernement d’Israël.
Avez-vous été surpris par l’ampleur des manifestations pro-palestiniennes dans les pays occidentaux, mais aussi par la flambée d’actes antisémites après le 7 octobre 2023 ?
Pas le moins du monde. Dans l’Histoire, chaque atrocité commise contre des Israéliens conduit toujours à une escalade rhétorique contre Israël. Chaque flambée de violences au Moyen-Orient débouche sur des attaques contre les juifs en Occident. Certains commentateurs utilisent cette horrible expression française selon laquelle le conflit au Moyen-Orient "est importé" en France. Si tel était le cas, pourquoi personne ne s’étonne du fait qu’aucun centre communautaire musulman n’ait été attaqué par des juifs ? En réalité, le mécanisme de causalité qui explique à la fois la violence contre les juifs en Europe et la poursuite de ce conflit inutile entre Israéliens et Palestiniens est le même : c’est cette idée selon laquelle les juifs sont le diable. Lier ce déchaînement de haine à l’encontre des juifs de France à la situation au Moyen-Orient est donc un déni à la fois de la menace à laquelle les communautés juives européennes ont été confrontées et de la véritable cause qui anime ce conflit israélo-palestinien.
En France, selon des chiffres exclusifs que L’Express a pu consulter, les violences anti-juifs présentent une ampleur inédite, décuplée depuis le 7 octobre…
Oui. Je note toutefois une évolution positive par rapport à ce qu’on a connu au début des années 2000, au moment de la seconde Intifada. A l’époque déjà, il y avait eu une hausse spectaculaire des actes antisémites. Même si à bien des égards la menace réelle et la rhétorique sont pires aujourd’hui, la violence du début des années 2000 à l’encontre des Français juifs était plus dramatique que tout ce que je vois aujourd’hui. Il n’y avait personne dans l’establishment français pour condamner ces actes. Au moins voit-on désormais des gens qui dans la société et les médias français et dans les principaux milieux libéraux osent s’élever contre cette combinaison d’antisémitisme d’extrême gauche et d’antisémitisme islamiste. Même s’ils ne le font pas avec les mots que j’utiliserais…
C’est-à-dire ?
Par exemple, lorsque ces intellectuels dénoncent l’antisémitisme et défendent la communauté juive en France, ils ressentent aussitôt le besoin de préciser qu’ils ne tiennent pas les Français juifs pour responsables "des crimes commis par Israël à Gaza". Ainsi, on a l’impression de dire une chose gentille, mais en réalité on ne fait qu’ancrer un mensonge. Mais ce que je retiens surtout, c’est que le silence autour de cet antisémitisme d’extrême gauche et islamiste a enfin été rompu. Je pense que cela fait une grande différence pour la communauté juive en France, car jusqu’alors, elle avait le sentiment d’être seule.
Vous disiez au début de cet entretien qu’Israël a pour obligation de gagner cette guerre. Qu’entendez-vous par "gagner" cette guerre ?
D’abord, il nous faut récupérer tous nos otages. Cela implique aussi de pouvoir repeupler les deux grandes régions du pays qui ont été évacuées après l’attaque du 7 octobre parce qu’elles n’étaient pas sûres. Troisièmement, cela veut dire mettre fin au pouvoir de nuisance du Hamas et du Hezbollah dans la région. Enfin, cela demande de faire reculer autant que possible le régime des ayatollahs en Iran jusqu’à ce qu’il tombe. Cela passe par l’anéantissement de ce cercle de feu qu’il a construit à travers sa coalition de mandataires et de groupes djihadistes, qu’il s’agisse du Hamas à Gaza, du Hezbollah au Liban, des Houthis au Yémen, et de diverses milices et djihadistes en Irak, en Syrie et ailleurs.
Pensez-vous qu’Israël est sur la bonne voie pour gagner cette guerre ?
C’est une question difficile. Je ne pense pas que le gouvernement actuel soit capable de prendre les décisions appropriées sur le plan stratégique. Il est idéologiquement engagé sur des priorités qui ne correspondent pas aux intérêts d’Israël.
Le 7 octobre 2023 fut un énorme revers pour notre armée et nos services de sécurité. Mais nous avons réussi à reprendre pied sur le plan militaire. Nous avons causé de réels dommages au Hamas et les onze jours d’efforts déployés pour démanteler le Hezbollah en tant qu’organisation ont été brillants d’un point de vue tactique. Mais tout cela est un effort de longue haleine, sans compter que nos soldats ont en plus de leur uniforme trois poids supplémentaires qui pèsent sur leurs épaules. Premièrement, la question des otages, qui complique une situation relativement simple à la base. Vous avez vu à quel point il était d’ailleurs facile d’opérer dans le sud du Liban alors que ce n’est pas le cas à Gaza. Il faut donc trouver un équilibre entre deux guerres totalement contradictoires : défaire le Hamas et libérer les otages.
Deuxième poids : cette hypocrisie mondiale qui a de réelles implications politiques. Je veux parler de cette mobilisation massive d’une partie de la communauté internationale, y compris diverses organisations humanitaires autoproclamées et des spécialistes du droit international, qui font objectivement le jeu du Hamas en tentant de retarder à chaque étape l’avancée de nos militaires sur le terrain. La troisième difficulté, c’est ce gouvernement d’extrême droite qui est un fardeau parce qu’il considère toujours l’entreprise de colonisation en Cisjordanie plus importante que les intérêts stratégiques d’Israël. Un gouvernement composé de ministres dont beaucoup n’ont jamais servi dans l’armée, et qui non seulement ne contribuent pas à la sécurité nationale d’Israël mais qui, à force de déclarations grandiloquentes, finissent par compliquer nos efforts pour maintenir notre coalition avec nos alliés. Ce gouvernement a son propre agenda, qui n’a rien à voir ni avec la victoire dans la guerre à Gaza, ni avec le sort des otages mais qui a tout à voir avec la vision messianique qu’il a de la domination d’une minorité juive sur la Cisjordanie.
"Génocide", "crime de guerre", "crimes contre l’humanité"… Depuis un an, une partie de la communauté internationale accuse Israël de piétiner le droit international et humanitaire. Comprenez-vous que certaines ONG ou dirigeants rappellent à l’ordre le gouvernement de Netanyahou ?
Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’essence du droit international ou de tout autre droit est la généralité. Une règle générale que vous pouvez ensuite appliquer à des cas spécifiques. Or, toutes ces normes censées valoir pour tout le monde ne s’appliquent avec vigueur que dès lors qu’il s’agit d’Israël. Avec à chaque fois, une réponse quasi hystérique du milieu des juristes internationaux selon laquelle Israël est un Etat criminel. Encore récemment, on a accusé Israël de ne pas respecter le droit international lors de l’explosion d’appareils de communication du Hezbollah alors même que l’interdiction des pièges dans le droit international humanitaire ne concerne que les objets civils utilisés par les personnes protégées. Elle ne s’applique pas aux appareils de communication utilisés par une milice ou une armée ! En juin, certaines voix ont aussi accusé Israël d’avoir enfreint les règles contre la perfidie lors de l’opération de sauvetage des quatre otages israéliens à Gaza. Or, la perfidie en droit international, cela signifie feindre le statut de personne protégée afin de monter une attaque contre un adversaire, par exemple en présentant faussement des soldats comme faisant partie de la Croix-Rouge (NDLR : l’armée israélienne a démenti avoir utilisé des camions d’aide humanitaire pour mener à bien l’opération de sauvetage des quatre otages). Vous le voyez bien, dans ces deux exemples, ni l’une ni l’autre de ces accusations ne s’applique à ces deux situations.
C’est aussi comme, soit dit en passant, la norme internationale entièrement inventée qui ne s’applique qu’à Israël selon laquelle sous couvert d’aide humanitaire, nous sommes responsables de l’approvisionnement et de la logistique dans la bande de Gaza, c’est-à-dire là même où se trouvent nos ennemis au combat. Il en va de même des définitions nouvellement inventées et utilisées à chaque opération israélienne : comme celle de "punition collective" de la population palestinienne (NDLR : expression utilisée notamment par le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres) ou de la définition entièrement nouvelle du génocide, qui est à la base d’une procédure judiciaire contre Israël. Laissez-moi vous dire qu’en tant qu’Israélien, il est très difficile de prendre toutes ces choses au sérieux.
Vous parlez de théorie de "dissuasion de l’avocat" (le fruit). Qu’entendez-vous par là ?
C’est ce qu’il y a de plus frustrant pour nous Israéliens. Soit le fait qu’à chaque fois qu’Israël est attaqué, que ce soit par le Hamas ou le Hezbollah, on lui demande de ne pas répondre. Soit parce que la communauté internationale estime que les conditions d’une action militaire israélienne ne sont pas mûres, soit parce qu’après avoir trop attendu, elle juge que ces mêmes conditions sont beaucoup trop mûres. Sous-entendu, il est trop tard, c’est désormais trop dangereux d’agir. Israël est donc censé au final accepter la présence de milices armées vouées à sa destruction, soit parce que cet Etat est si fort qu’il peut faire face à n’importe quelle menace, soit parce qu’il serait trop coûteux de faire face à la menace maintenant.
Netanyahou ne fera rien qui puisse le mettre en danger
Nous n’avons pas été autorisés à agir lorsque le Hamas a commencé à tirer des roquettes en 2001, et surtout après notre retrait de la bande de Gaza, en 2005. Lors des nombreuses offensives qui ont été initiées par le Hamas à coups de tirs de roquettes en 2008, 2012, 2014 et 2021, à chaque fois la communauté internationale nous a imposé un cessez-le-feu. Or, au cours des 17 années pendant lesquelles le Hamas a régné sur la bande de Gaza, il a eu le temps de construire un vaste réseau de tunnels et d’accumuler un grand nombre de roquettes. Aujourd’hui, alors que le seul moyen de les vaincre est de s’attaquer à ces tunnels et à ce type d’armes, la communauté internationale dit : "Non, le prix est trop élevé. Mais si le prix est trop élevé aujourd’hui, pourquoi nous a-t-il été interdit de nous en occuper à l’époque ?". Quelle est la cohérence dans tout cela ?
Emmanuel Macron a demandé d’arrêter les livraisons à Israël d’armes servant à Gaza. Qu’en pensez-vous ?
J’ai deux questions à poser à Emmanuel Macron. Premièrement, veut-il qu’Israël gagne cette guerre ? Et deuxièmement, s’il pense que nous menons cette guerre d’une manière qu’il n’approuve pas, quelle solution propose-t-il ? Comment suggère-t-il de vaincre le Hamas alors que celui-ci possède 500 km de tunnels dans la bande de Gaza, qu’il stocke des armes dans les appartements des habitants et qu’il tire des roquettes sur les villes israéliennes ? S’il considère que le prix à payer pour qu’Israël gagne cette guerre, c’est d’accepter un cessez-le-feu qui reviendrait à maintenir le Hamas en place, en laissant ainsi à quelqu’un d’autre le soin de régler ce problème dans cinq ans, je ne pense pas que quiconque en Israël puisse accepter cela.
Par ailleurs, il me semble que les propos d’Emmanuel Macron sont également préjudiciables en ce qu’ils renforcent la petite musique qui voudrait criminaliser Israël à tout prix. A chaque fois qu’Israël est attaqué, les dirigeants européens disent soutenir le droit d’Israël à l’autodéfense. Tout en prenant bien soin de rappeler dans la minute d’après qu’Israël doit respecter les règles internationales. Ce que vous ne les entendrez jamais dire à n’importe quel autre Etat impliqué dans un conflit. Tout cela renforce l’idée selon laquelle il y a quelque chose d’irrémédiablement mauvais à propos d’Israël, ce qui porte un réel préjudice à la sécurité des Juifs en France car cela sert ensuite de justification pour s’en prendre à eux.
Le ministère de la Santé du Hamas évoque plus de 40 000 morts à Gaza. Près de la moitié environ serait, selon l’armée israélienne, des combattants du Hamas. Bien que ces chiffres soient impossibles à vérifier, comprenez-vous qu’un tel bilan humain soit choquant ?
Que les choses soient claires. 40 000 morts, c’est 40 000 morts de trop. Mais la formulation même de votre question me semble étrange. Rappelez-moi une chose : qui a voulu cette guerre ? Et qui fait en sorte qu’elle continue ? Cette guerre peut prendre fin dès demain. Encore faut-il que les otages israéliens soient libérés, que les auteurs de la barbarie du 7 octobre se rendent et que le Hamas dépose les armes. Ce sont les seules conditions possibles. Elles ne dépendent pas d’Israël.
Vous expliquez que dans l’Histoire, les Palestiniens ont eu plusieurs occasions d’accepter une solution politique à ce conflit mais qu’ils ne les ont pas saisies.
Oui. Je ne pense pas que ce soit ce que le leadership palestinien ait vraiment recherché. Je ne vois pas derrière la cause qu’ils défendent un objectif de "libération" pour reprendre leur terme. La véritable cause de ce mouvement ne me semble pas être de libérer mais d’éliminer. De considérer que l’Etat juif est un crime. Que la simple présence juive au Moyen-Orient est en elle-même un crime. Et en ce sens, dans l’esprit de ses auteurs, l’attaque du 7 octobre a vraiment été la mise en œuvre du plus grand fantasme de cette cause palestinienne : éliminer toute présence juive au Moyen-Orient.
Faites-vous quand même une différence entre les dirigeants palestiniens et les Palestiniens eux-mêmes ?
Je fais une différence, en tant que chercheur entre le leadership palestinien, le peuple palestinien et la cause palestinienne en Occident. Je pense qu’il s’agit de trois questions distinctes qui méritent leur propre analyse, en particulier si vous parlez de l’opinion publique. Ce que je note, cependant, c’est que ces vingt dernières années il n’y a pas eu de désaccord fondamental ni dans l’opinion publique de masse parmi les Palestiniens, ni chez les dirigeants palestiniens, ni dans l’opinion de la cause palestinienne à l’Ouest sur la décision de rejeter toute perspective de paix. Si vous faites un sondage aujourd’hui et que vous demandez aux Israéliens : "si vous pouviez revenir au 6 octobre et empêcher, d’une manière ou d’une autre, ce qui s’est passé le lendemain, le feriez-vous ?", 100 % des Israéliens le feraient, évidemment. En revanche, les sondages nous montrent qu’une écrasante majorité de Palestiniens pensent encore que l’attaque du 7 octobre, même s’ils savent aujourd’hui à quel point le résultat est terrible pour eux, était une bonne chose (NDLR : selon un sondage réalisé par le Palestinian Center for Policy and Survey Research en juin 2024, les deux tiers de la population palestinienne dans son ensemble continuent de soutenir l’attaque du 7 octobre).
On imagine mal les habitants de Gaza en position de force pour protester contre le Hamas…
Je suis d’accord. En revanche, laissez-moi vous poser une question : est-ce si difficile en Cisjordanie de montrer son opposition ? Parce que, personnellement, je n’ai pas vu de protestations là-bas non plus. Est-ce si difficile pour tous les intellectuels pro-palestiniens à Paris et à New York de s’élever contre le Hamas ? Ils ne le font pas. Pire, ils ne font même pas semblant de condamner ce qui s’est passé le 7 octobre.
Selon vous, le gouvernement de Benyamin Netanyahou ne prendra pas de décision stratégique sur l’avenir de Gaza parce qu’une telle décision impliquerait nécessairement une décision stratégique sur la Cisjordanie.
Ce que je veux dire par là, c’est que ce gouvernement n’a pas encore dit ce qu’il souhaitait pour la suite à Gaza. Dire qu’on ne veut pas du Hamas ne suffit pas. Que veut le gouvernement de Netanyahou ? Une nouvelle occupation israélienne directe ? L’arrivée de l’Autorité palestinienne ? Un processus de négociation d’un accord entre deux Etats ? Ce sont des choses qu’un gouvernement aux mains à la fois de l’extrême droite et des fantasmes du mouvement des colons de Cisjordanie n’est pas en mesure de répondre. Benyamin Netanyahou fait l’objet de trois inculpations pénales. Les centristes le boycottent, ce qui signifie que l’extrême droite sait qu’il n’a nulle part où aller. Donc, même si leur représentation au Parlement est d’environ 10 %, sans eux, Netanyahou n’est plus rien. Il le sait et ils le savent. Netanyahou ne fera rien qui puisse le mettre en danger. Ainsi, nous avançons à tâtons dans ce conflit sans vraiment énoncer un but de guerre. Cela est néfaste pour les intérêts d’Israël.