Le lieutenant-colonel Patrice Achard a pris le commandement des opérations de secours, samedi 5 octobre, menées afin de sauver La Chartreuse des flammes. L’alerte a été donnée par un appel téléphonique vers 15 h 15. Voici comment les sapeurs-pompiers ont vécu le reste de la journée, contre l’incendie qui consumait un des bâtiments - et en menaçait d’autres - de l’établissement scolaire privé à Brives-Charensac.
Le dispositifPrès de 100 personnes ont été engagées dans différentes missions, entre l’attaque du feu qui a duré 4 heures, en comptant l’extinction, et la fin de la surveillance, pour éviter toute reprise, qui s’est achevée lundi soir. « Notre objectif sur les feux de bâtiments est de limiter les dégâts au strict minimum. » Pour y parvenir, les pompiers professionnels et volontaires avaient pour mission de « couper la propagation horizontalement, mais aussi verticalement ». Ainsi, cinq lances, trois dans des cages d’escalier et deux sur des grandes échelles, ont été établies.La caméra thermique a permis de s'assurer de l'extinction de tous les points chauds. Photo fournie par le Sdis 43Dans tout feu de bâtiment, la stratégie du Service départemental d’incendie et de secours de Haute-Loire (Sdis 43) est d’engager un dispositif important pour mener une attaque massive. La marge générale des opérations se déroule en sept étapes : la reconnaissance, le sauvetage des victimes, l’établissement des lances, l’attaque, la protection, le déblaiement et la surveillance. « Nous savions que le site était inoccupé. » À Brives-Charensac, le pôle de La Chartreuse compte une surface de plancher de 25.000 m² avec des bâtiments sur trois niveaux. L’ampleur de l’intervention a été immédiatement mesurée par le centre de traitement de l’alerte à Taulhac. Trente-cinq sapeurs-pompiers ont été engagés dans les 5 minutes suivant l’appel.
L’attaqueLa première étape a été d’identifier les points de pénétration sur les bâtiments de l’établissement scolaire privé brivois. Le premier véhicule incendie est arrivé du centre principal du Puy. Les secours ont cassé le portail donnant sur la rue Saint-Vosy. Les flammes étaient déjà hautes, elles avaient percé la toiture tout près de l’angle que fait le bâtiment L (construit en ossature bois en 2016), et le bâtiment O qui longe la rue Saint-Vosy. Les six pompiers qui armaient le camion ont fracturé également la porte de la cage d’escalier situé dans cet angle.
Au 2e étage, un binôme de soldats du feu s’est retrouvé en difficulté. Les deux pompiers venaient d’établir la première lance quand le plafond de la cage d’escalier s’est effondré sur eux, entraînant des tuiles, du bois incandescent et des plaques de plâtre. Sonnés, ils sont tout de même restés opérationnels. Leur matériel a été pris sous les gravats. Ils ont établi une autre lance et ont attaqué le feu pour protéger les étages inférieurs. Très rapidement, deux grandes échelles étaient mises en place de part et d’autre de cette même cage d’escalier, d’abord dans la rue Saint-Vosy, puis au niveau de l’entrée historique du bâtiment construit à la fin du XVIIIe siècle.Croquis de la tactique d'attaque du feu. Les flèches rouges matérialisent les 5 lances qui ont attaqué le feu. Les rectangles jaunes matérialisent les cages d'escaliers où les pompiers ont travaillé. Croquis fourni par le Sdis 43Des responsables de l’établissement sont ensuite arrivés sur les lieux et ont ouvert les accès aux secours. « Notre objectif était de couper le feu, à l’est, avant qu’il n’atteigne le bâtiment historique. » Il y avait deux enjeux forts dans cette partie du bâtiment : les serveurs informatiques de l’ensemble du site et la bibliothèque historique. À ce moment de l’intervention, « ce ne sont pas les flammes qui posent le plus problème, ce sont les gaz chauds qui propagent encore plus le feu. » Une quatrième lance a été établie sur une plateforme qui se trouve au-dessus de la salle des serveurs. Les pompiers y ont accédé par une cage d’escalier qui fait la jonction entre le bâtiment historique et le bâtiment L.La cinquième lance a été déployée dans la cage d’escalier, au milieu du bâtiment qui borde la rue Saint-Vosy pour « bloquer le feu ici ». Les pompiers ont perforé alors les faux plafonds pour créer un rideau d’eau. Derrière eux, la partie sud du bâtiment O était sauvée. Les cinq lances ont consommé 1.500 litres d’eau par minute durant les 2 heures de la phase d’attaque la plus intense. Deux camions-citernes ont aidé à les alimenter. Un télépilote de drone a permis au commandant des opérations de secours d’avoir une vision aérienne en temps réel de l’évolution du sinistre.
La protectionAlors que 35 soldats du feu luttaient contre les flammes, 20 sapeurs-pompiers étaient engagés simultanément dans la mission de protection. Aidés par du personnel de l’établissement, ils évacuaient le matériel informatique des serveurs, le mobilier et bâchaient les objets trop volumineux pour être évacués. L’unité de sauvetage appui et recherche (USAR) s’est rapidement rendue sur place pour évaluer la stabilité du bâtiment car les ateliers du lycée professionnel sont accolés au bâtiment en feu et se trouvent au niveau -1. Le danger d’effondrement était rapidement écarté.
Le dispositif envoyé par le Codis comprenait une ambulance avec une infirmière disponible pour prendre en charge les pompiers blessés, si besoin, et surveiller la présence de monoxyde de carbone dans leur sang. Le véhicule de logistique a permis de ravitailler les effectifs en eau, en sucre rapide et de servir une cinquantaine de repas en soirée pour les pompiers qui étaient encore engagés. Un véhicule de soutien incendie a rejoint le site pour prendre en charge les tenues des 20 pompiers qui ont été au plus près du feu et les décontaminer.Croquis tactique attaque du feu La Chartreuse Les flèches rouges matérialisent les 5 lances qui ont attaqué le feu. Les rectangles jaunes matérialisent les cages d'escaliers où les pompiers ont travaillé et l'espace bleu représente l'intervention de protection par évacuation du matériel et bâchage. Document fourni par le Sdis 43
Le bilanLes combles ont brûlé sur une surface d’environ 400 m2 et se sont effondrés sur le 2e étage du bâtiment sinistré. Le Service départemental d’incendie et de secours a déployé un dispositif de 32 véhicules et plus de 90 sapeurs-pompiers. Il n’y a pas eu de victime et l’action des secours a permis de préserver la moitié de l’un des bâtiments en feu, les serveurs informatiques, la partie historique du site, mais aussi le 1er étage et le rez-de-chaussée. Ces deux niveaux ont toutefois subi des dégâts avec le ruissellement des eaux d’extinction. Cependant, une partie des salles de classe préservées pourront être réintégrées par les élèves « au cours de cette année scolaire » d’après le responsable du pôle de La Chartreuse, qui a salué le travail des pompiers. « Ils ont réalisé une intervention remarquable en termes de professionnalisme, d’engagement et de service. J’ai trouvé des gens exceptionnels qui continuent de nous donner des conseils. »
Céline Demars