Cette chrysalide de plus de 90 kg, pour 1,66 m, qui lui semble aujourd’hui étrangère, mais qui a été la sienne cinq années durant, entre 2017 et 2022, Camille l’a vécue comme une sorte de parenthèse, comme si elle vivait hors d’un corps qui n’était pas le sien.
Aujourd’hui retombée à 57 kg, cette commerçante de 29 ans, entrée dans le processus du surpoids après la pose d’un implant hormonal à visée contraceptive, mesure a posteriori son progressif abandon à cette obésité à mèche lente, comme masquée par le roulis du quotidien.
« J’étais en couple avec quelqu’un qui me disait toujours qu’il me trouvait belle. Je ne me pesais pas. Personne ne m’a jamais alertée. Je n’ai pas vraiment pris conscience de ma prise de poids. J’étais comme déconnectée de la réalité de ma situation. »
Sous l’effet des hormones, décrit-elle, Camille vit « comme derrière un voile, comme si je n’étais plus moi-même ».
La rupture avec son compagnon, en 2022, et le retrait de l’implant hormonal, déchirent « le voile » de cette vie comme en apesanteur. En trois mois, Camille perd plus de 30 kg. Leur excédent lui avait comme échappé, leur absence la libère d’un poids qui ne se mesure pas que sur la tare.
Reconquête« L’interruption du traitement hormonal m’a rendu l’énergie, le dynamisme, ma personnalité qui avait été gommée. Ma perte de poids m’a aussi montré, dans le regard des autres, notamment des garçons, combien j’avais changé physiquement. Je me suis rouverte, je suis redevenue celle que j’étais avant. » Comme une forme d’exorcisme qui fait le deuil du passé, elle revend toute sa garde-robe en grande taille, sur des sites de friperie en ligne.
Si sa silhouette répond aujourd’hui à des standards « qui aident à mieux se conformer à la société actuelle », analyse-t-elle avec une pointe de cynisme, ce n’est pas tant le miroir toujours déformant des autres qui la nourrit, que la reconquête de son intégrité physique, la réappropriation de son corps. « J’ai retrouvé du souffle, de la capacité à me mouvoir, j’ai repris la marche et la pleine possession de mon corps. »
La jeune femme, qui n’envisage pas la reprise de poids comme une option, ne saura sans doute jamais si elle aurait été éligible à la prescription du Wegovy. Mais elle a gardé de ce surpoids, qui l’a habillée à une époque de sa vie, qui l’a lestée à un quotidien atone, quelques grammes d’expérience à l’usage des candidats à la perte de poids.
« Avant de s’attaquer aux solutions pour maigrir, il faut apprendre pourquoi on a pris du poids. »
Camille, elle, a soulagé le sien. Et depuis, elle vole.
Sébastien Couratin