Que restera-t-il de la frénésie générée par Brat ? Paru au début de l’été, le huitième disque de Charli XCX, qui a commis l’exploit d’extirper son autrice du statut de célébrité de niche, s’est provoqué un destin qui a probablement dépassé les ambitions à son origine.
D’abord imaginé comme un pied de nez à l’industrie, après un album pensé et vendu comme une obligation contractuelle, Brat est devenu un raz-de-marée en ayant la sagacité de se rendre perméable aux tropes des cultures Internet. Tout à la fois mème, phénomène culturel en ligne, mode saisonnière à son échelle, et accessoirement jubilatoire disque d’electropop, le projet se confronte maintenant au périlleux enjeu de la longévité.
Pour affronter le futur incertain de son projet, Charli XCX a donc fait le choix de la fuite en avant, avec la sortie de Brat and It’s Completely Different But Also Still Brat. Un projet qui balaye en même temps qu’il approuve ses propres contradictions rien qu’avec son titre (et son artwork en miroir) : autant album remix que version alternative de son prédécesseur. En somme : pareil mais différent.
En faisant le choix de ne pas en faire, le disque prend la forme d’un appendice certainement pas incontournable dans son entièreté, mais dont l’impressionnante guest-list (qui regroupe pêle-mêle Robyn, Julian Casablancas, Ariana Grande, Bon Iver, Billie Eilish, Bladee et Caroline Polachek) assure d’ouvrir Brat à de nouveaux publics.
Mais à l’image des albums remix qui accumulent souvent trop les desseins (capitaliser sur des succès, proposer des versants club et laisser place aux expérimentations, à l’image du monstrueux Dawn of Chromatica de Lady Gaga), l’effort de Charli XCX se prend aussi les pieds dans le tapis.
Comme avec Mean Girls, où les parties chantées par Julian Casablancas (dont il faut tout de même saluer l’invitation courageusement absurde) font décidément chambre à part d’avec celles de la star anglaise ; ou sur B2b, qui se refuse à exploiter une collaboration avec Tinashe pourtant attendue.
Au fond, et alors que son essence même (dans ses tendances EDM, electro clash et quasiment French Touch) le prédestinait à muter en musiques fêtardes décomplexées, Brat and It’s Completely Different But Also Still Brat se prête à un exercice d’équilibriste qu’il convient de respecter dans son concept plus que dans sa réalisation.
Sciemment avare en rouleaux compresseurs clubesques (365 et son remix diaboliquement court), surprenant par instants (Sympathy Is a Knife, dont la nouvelle version se taille une plus-value face à un morceau pourtant déjà éternel), souvent solennel (Everything is Romantic, avec Caroline Polachek, pas la bombe atomique attendue mais indubitablement poignant), mais aussi parfois accablant (surtout pendant les apparitions indésirables de Bon Iver et de The 1975) : le projet manque d’irrévérence pour être aussi “brat” qu’il l’aimerait.
Brat and It’s Completely Different But Also Still Brat (Atlantic/WEA). Sortie le 11 octobre.