Jean-Pierre Fraysse part en croisade. Cet ingénieur à la retraite, qui habite à Favars (Corrèze), a décidé de prendre en main la problématique médicale qui guette les communes du plateau à très court terme. Son constat est implacable. D’ici un an, il n’y aura plus un seul médecin généraliste dans ce secteur. Selon lui, le docteur Fendri part à la fin de l’année et le Dr Max Theillaud, installé à Saint-Mexant, doit faire valoir ses droits à la retraite en 2025. Les cinq communes (Favars, Chameyrat, Saint-Mexant, Saint-Germain-les-Vergnes et Saint-Clément) vont ainsi passer de 5 médecins à zéro en l’espace de 10 ans. Impensable alors que ce secteur, auquel il ajoute Saint-Hilaire-Peyroux, Cornil et Chanteix, représente quelque 9.300 habitants.
« Pas rejouer les querelles de clocher »Jean-Pierre Fraysse a donc pris son bâton de pèlerin pour faire le tour des élus tout en s’attachant les conseils de médecins. « Il faudrait deux voire trois généralistes », calcule le retraité qui intègre les souhaits de qualité d’exercice de la jeune génération. Mais attention, il prévient : « Il ne faut pas rejouer les querelles de clocher d’il y a 10 ou 15 ans qui ont fait capoter un projet. Cela s’est mal passé à l’époque car chacun voulait le cabinet médical sur sa commune".
Le principal, c’est qu’il y ait un cabinet, peu importe le lieu.
Et d’enfoncer le clou : « la problématique est médicale et sanitaire, pas immobilière. De l’immobilier, il y en a partout ». Pour Jean-Pierre Fraysse, l’enjeu est de fidéliser des jeunes médecins. Pour cela, il entend bâtir, avec les élus et des médecins qui acceptent de le suivre (le Dr Chassagnol, ancien médecin de Favars aujourd’hui retiré dans le sud mais aussi le Dr Rouanne ou encore le professeur Escande), une offre que le collectif ira défendre devant les amphis de médecine à Limoges, Bordeaux, Toulouse et Clermont. « Je suis allé voir des professionnels car c’est important que des médecins parlent à d’autres médecins. Ils sont une caution forte et d’un appui précieux. On veut dire aux jeunes, venez, vous ne serez pas seuls ».
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L'idée est de salarier des médecinsPour l’habitant de Favars, la solution est de salarier ces jeunes praticiens pour une somme qui reste à définir mais qui soit incitative. « Je pense qu’il faut aussi leur proposer une voiture, un logement, un emploi pour le conjoint et un secrétariat. Les médecins qui m’accompagnent m’ont dit, tu verras, des doigts se lèveront ». Dans un premier temps, Jean-Pierre Fraysse va déposer une plaquette sur le Collectif des patients impatients (*) dans les mairies concernées, pharmacies, laboratoires… L’objectif est de recueillir des signatures mais aussi l’âge des signataires et la composition des foyers afin de démontrer le besoin en médecine générale de cette population du plateau dont la moyenne d’âge a augmenté.
« Il y a urgence »Ce document a déjà été signé par tous les maires concernés, des élus, pharmaciens, professionnels de santé. « À la fin de l’année, on récupère les signatures, explique Jean-Pierre Fraysse et d’ici là, on prend des rendez-vous avec les doyens des facultés de médecine et on prépare les équipes qui vont aller au-devant des étudiants au cours du premier trimestre 2025. L’objectif, c’est d’avoir des jeunes réceptifs à notre offre, laquelle doit sortir du lot. Et l’été, on les invite à venir découvrir la Corrèze ! ».
Pour Jean-Pierre Fraysse, « il y a urgence ». Il s’est aussi engagé à rencontrer différents interlocuteurs : ARS, CPAM, président de l’Ordre, maire de Tulle qui a créé un centre municipal de santé. Car bien sûr, salarier des médecins demande une structure porteuse. Comment faire ? Les questions juridico-administratives restent à régler. « Là, on va travailler sur l’offre aux futurs médecins et l’implantation. Personnellement, j’ai un seul intérêt : aboutir ». (*) Denise Mounac-Aujol et Murielle Neyrat font partie du collectif.
Laetitia Soulier