Malgré l'adoption en 2023 pour la première fois par les neuf juges nommés à vie d'un code de conduite, de toute façon perçu comme bien trop timide, cette institution cruciale de la démocratie américaine ne s'est pas relevée du discrédit dans lequel elle s'enfonce depuis plusieurs années.
La Cour à majorité conservatrice reste environnée de soupçons persistants de partialité, voire de corruption en raison des largesses accordées par des milliardaires aux deux juges les plus à droite.
Seuls 43% des Américains approuvent son action, selon un sondage Gallup publié en juillet, un niveau proche de son plus bas historique de 40%.
La dernière session s'est achevée sur un arrêt inédit le 1er juillet par six voix contre trois -- les neuf juges se divisant selon des lignes purement idéologiques -- qui reconnaît une large immunité pénale au président des Etats-Unis.
Par cette décision, sans annuler les poursuites fédérales contre Donald Trump pour tentatives illicites de se maintenir au pouvoir en inversant les résultats de l'élection de 2020, la Cour a de facto garanti qu'il ne serait pas jugé avant le vote du 5 novembre.
La Cour "choisit ses batailles"
Cette nouvelle session promet d'être "bien plus calme que ces deux dernières années", observe David Cole, directeur juridique de l'influente organisation de défense des droits civiques ACLU.
"Mais cela pourrait changer si l'élection présidentielle est serrée et disputée", ajoute-t-il, alors que le camp républicain anticipe déjà une future contestation en cas de victoire de la vice-présidente et candidate démocrate Kamala Harris.
"Cette cour ne démantèle pas globalement les droits civiques et les libertés publiques. Elle choisit ses batailles", souligne David Cole, en référence notamment à ses récentes décisions pour rogner les ailes des agences fédérales, saluées par les milieux conservateurs comme une lutte contre la "bureaucratie".
A contrario, sur des questions aussi sensibles que le droit à l'avortement ou le port d'arme, la Cour a rendu pendant la session écoulée des arrêts plus consensuels que ses spectaculaires revirements de jurisprudence de juin 2022.
S'agissant des armes, elle se penchera dès mardi sur le cas des "ghost guns", ou armes fantômes, car sans numéro de série, vendues en pièces détachées ou à fabriquer chez soi au moyen d'imprimantes 3D.
Liberté d'expression
Dans les prochains mois, la Cour devra statuer pour la première fois sur la question des traitements pour les mineurs transgenres, qui divise profondément la société américaine.
En cause, une loi du conservateur Tennessee (sud), similaire à celles adoptées par une vingtaine d'autres Etats, qui interdit aux mineurs ne se reconnaissant pas dans leur genre de naissance l'accès aux bloqueurs de puberté, aux traitements hormonaux et aux interventions chirurgicales pour changer de sexe.
La famille d'une mineure du Tennessee, soutenue par l'administration du président démocrate Joe Biden, affirme que cette loi est discriminatoire, puisqu'elle prive les personnes transgenres de traitements autorisés à d'autres.
Le Tennessee justifie cette loi par les "séquelles potentiellement irréversibles" des interventions hormonales ou chirurgicales face à une "explosion des diagnostics de dysphorie de genre".
La dysphorie de genre désigne la souffrance vécue par les enfants ou adolescents face à l'inadéquation entre leur identité de genre et le sexe assigné à la naissance.
A l'agenda de la Cour figure également une loi du Texas, autre Etat du Sud dirigé par les républicains, obligeant les personnes consultant des sites pornographiques à fournir leurs données personnelles afin de prouver qu'elles sont majeures.
Depuis plusieurs décennies, au nom du Premier amendement de la Constitution, garantissant la liberté d'expression, "la Cour a essentiellement affirmé qu'on ne pouvait pas limiter ce que les adultes peuvent voir uniquement pour protéger les enfants", explique l'avocate Lisa Blatt, qui a souvent plaidé devant la plus haute juridiction.
Dès mercredi, les neuf juges se replongeront dans l'une des questions les plus poignantes pour la société américaine, la peine capitale, avec le cas de Richard Glossip, qui a passé plus de 25 ans dans le couloir de la mort et dont même le procureur de l'Etat d'Oklahoma ne souhaite plus l'exécution.