Trop insoumise pour La France insoumise, Clémentine Autain ? Exclue de la communication interne du parti qu’elle a aussitôt quitté, début juillet, la députée de Seine-Saint-Denis, aujourd’hui affiliée au groupe écologiste et social, n’a pas changé son fusil d’épaule, à gauche, résolument à gauche, ni sa cible, à droite, résolument à droite.La prestation de Michel Barnier devant l’Assemblée nationale, mardi, est ainsi dans sa ligne de mire. « Le Premier ministre, note-t-elle, a tenu un discours de politique générale poussiéreux, à la fois ennuyeux et vieillot. Certes, il y a eu quelques annonces bienvenues comme le retrait du projet de loi sur le corps électoral en Kanaky ou la garantie de ne pas toucher aux conquêtes que sont la loi dite Veil sur l’IVG ou le mariage pour tous. Sinon, sur le fond, le cap cher à la macronie est maintenu, notamment l’obsession de la réduction des dépenses publiques. Les belles phrases pour les services publics sombrent donc avec les coupes budgétaires en cours et à venir… »Hasard ou pas du calendrier, la Cour des comptes, que Didier Migaud, aujourd’hui garde des Sceaux, a présidée de 2010 à 2020, a, le lendemain du discours de Michel Barnier, proposé comme piste d’économie une réduction de 100.000 emplois au sein des collectivités locales…
Dette écologique« Quant à la contribution des plus fortunés, reprend la députée, elle sera exceptionnelle, et non pérenne, et ne rapportera pas beaucoup. Faire beaucoup avec peu, comme l’a dit le Premier ministre, cela se traduit concrètement par des frais de santé moins bien remboursés, le recours à des “retraités volontaires” dans l’Éducation nationale, 50 milliards en moins pour La Poste… »« Faire beaucoup avec peu, en partant de presque rien » : datée de 1942 et empruntée au général de Gaule, la formule renvoie, pour Clémentine Autain, plus au passé qu’à l’avenir au regard des grands enjeux d’aujourd’hui : « Le discours de Michel Barnier en matière d’écologie est totalement contradictoire. L’intention affichée de s’occuper de la dette écologique se fracasse sur les annonces concrètes. Il est à rebours des ruptures nécessaires. Ainsi de la remise en cause du zéro artificialisation nette des sols ou du nouveau sursis pour isoler les logements. Sur la sécurité, il entend limiter les possibilités d’aménagement de peines et prévoit, par ailleurs, de faciliter la prolongation exceptionnelle de la rétention des étrangers en situation irrégulière. Ce discours de politique générale scelle l’alliance entre l’extrême droite et l’exécutif. Michel Barnier a slalomé pour donner à manger à la macronie dont il assure la continuité politique et au RN à qui il doit sa nomination et son maintien. »
MeTooCaroline Fourest, qui vient de publier Le Vertige MeToo, est aussi dans sa ligne de mire : « C’est un tissu réactionnaire avec beaucoup d’approximations, de faits dénaturés, de mensonges. Pourtant, elle est invitée sur tous les plateaux télé par des journalistes béats d’admiration. Le succès commercial de son livre, en tête des ventes, est préoccupant car il brise un à un les apports du mouvement MeToo tout en prétendant le défendre. Introduire de la nuance pour Caroline Fourest, c’est dire qu’il y aurait des bonnes victimes, résilientes et héroïques, et des mauvaises, plaintives et pleurnicheuses. Elle minimise les violences faites aux femmes et leurs difficultés à se faire entendre de la justice alors que moins de 2 % des viols aboutissent à une condamnation. Elle nie le continuum entre violences sexistes et sexuelles. Elle ravive les antagonismes entre deux gauches prétendues irréconciliables pour marquer son virage à droite… »
Gauche pluralisteAu Proche-Orient, le Premier israélien est sa cible principale : « Benjamin Netanyahu est un criminel de guerre devenu incontrôlable. Il massacre de façon inouïe le peuple palestinien et s’en prend maintenant au Liban. La communauté internationale ne se donne pas les moyens de le stopper. Et la voix de la France manque de force et de clarté. Alors que le risque d’embrasement est total, nous devons affirmer notre solidarité avec les peuples écrasés par Netanyahou et exiger le respect du droit international. »
C’est à peine si elle désarme face à LFI. Le passé se digère difficilement, le futur oblige à la raison : « Mon exclusion comme celles de mes camarades du mouvement L’Après ne tiennent pas, souligne-t-elle, à la seule personne de Jean-Luc-Mélenchon. C’est tout un appareil politique qui les a validées. La démocratie ne peut pas être pour le pays et pas pour nous-mêmes. Et si une période de “bruits et de fureur” était nécessaire pour sauver une gauche digne de ce nom, le temps est venu de rassembler pour ouvrir l’espoir d’une vie meilleure. Dans le cadre de la tripolarisation de la vie politique, en finir avec la macronie et éviter Marine Le Pen au pouvoir suppose de développer le NFP et de nourrir la culture de l’union. Tous ceux qui concourent à raviver les deux gauches irréconciliables sont des acteurs de la défaite. »
Jérôme PIlleyre