Avec la recherche de recettes fiscales, le gouvernement de Michel Barnier envisage de taxer les rachats d’actions, une pratique qui serait néfaste pour l’entreprise mais qui enrichirait indûment les actionnaires. En effet pour certains observateurs, en réduisant le nombre d’actions en circulation, cette pratique augmenterait la valeur des actions du fait de l’augmentation mécanique du bénéfice par action (BPA). Cela est bien évidement erroné car la valeur des actions ne répond pas à une règle de trois aussi simple. En effet, cette opération, strictement inverse à l’augmentation de capital en numéraire, ne constitue pas un enrichissement net des actionnaires. Si cela était le cas, il faudrait considérer que l’augmentation de capital en numéraire représente une opération destructrice de valeur pour les actionnaires. Bien sûr il n’en est rien : contre un apport de cash, les actionnaires reçoivent des titres. Mais attention, l’augmentation de capital ne sera créatrice de valeur que si les fonds récoltés sont investis dans des projets d’investissement à valeur actuelle positive (rentabilité supérieur au coût du capital). Inversement, le rachat d’actions sera créateur de valeur si au lieu d’investir le cash dans des projets non rentables, il est rendu aux actionnaires.
Mais si les dividendes et les rachats d’actions n’enrichissent pas les actionnaires, pourquoi ces derniers en sont friands ? Plusieurs explications peuvent être avancées. Tout d’abord, on constate que les actions des sociétés ayant des taux de distribution élevés (dividende/ résultat net) sont moins volatiles et que la volatilité des revenus des titres à fort rendement est généralement plus faible que le reste du marché. L’actionnaire à long terme souhaitant limiter ses risques s’orientera donc vers des sociétés ayant une politique de dividende généreuse et en croissance régulière. A long terme, la croissance des dividendes se retrouve du reste dans l’évolution des cours. Comme l’enseigne la théorie des signaux, le dividende et surtout son évolution constituent un excellent signal pour réduire l’asymétrie informationnelle entre les investisseurs et les dirigeants d’entreprises. Enfin, le dividende et surtout les rachats d’actions permettent de limiter l’accumulation de cash et donc de réduire les marges discrétionnaires des dirigeants qui, selon la théorie de l’agence, peuvent ne pas toujours investir dans l’intérêt de leurs actionnaires. La recherche empirique sur les fusions-acquisitions montre à cet égard que les acquisitions réalisées par des sociétés disposant de trésorerie importantes sont moins rentables que celles des sociétés plus contraintes en cash. Le rachat d’actions peut aussi se justifier si l’entreprise, n’ayant pas d’opportunité d’investissement rentables, préfère rendre le capital à ses actionnaires qui pourront alors le réemployer dans d’autres firmes. Les études empiriques montrent qu’aujourd’hui de nombreuses entreprises « matures » disposent de trésorerie importantes et que ce n’est ni la politique de dividende ni les rachats d’actions qui les contraignent dans leurs politiques d’investissement. Et puis in fine, les sommes récupérées par les actionnaires via les dividendes et les rachats d’actions se retrouvent dans le circuit économique notamment via les fonds de private equity, ce qui alimente la croissance.
Une dernière observation : les entreprises n’ayant aucune obligation à racheter leurs actions il leur sera très facile d’y renoncer et la recette fiscale qui leur sera attachée disparaîtra rapidement. Ainsi la pérennité de cette ressource fiscale est loin d’être garantie.
Au total, les rachats d’action constituent des moyens de réallocation du capital dans l’économie, des outils de gestion financière des entreprises, et non un enrichissement net des actionnaires au détriment de l’entreprise.
Dernier conseil au gouvernement : la taxation des retraits d’argent dans les DAB rapporterait plus que celle des rachats d’actions. Mais là, on peut penser que les français ne seraient pas d’accord.