Et soudain, le colosse apparu si costaud durant ses trois Marseillaises aux Jeux paralympiques a fini par fendre l'armure.
Face aux 700 personnes présentes devant la médiathèque de Brive ce vendredi soir 13 septembre, Mathieu Bosredon n’a pu s’empêcher d’avoir le souffle court, la gorge nouée et les yeux humides devant ces enfants, ces parents et grands-parents venus lui rendre hommage. Un poignant hommage au moment d’entonner La Marseillaise chez lui, à Brive.
« C’est peut-être l’une des émotions les plus fortes que vous me donnez », a ainsi lâché le triple champion paralympique. Comme la reconnaissance ultime de ses pairs, de ceux qui l’ont aidé et porté durant toutes ces années.
Sur la scène, sa maman Valérie avait, elle aussi du mal à masquer son émotion. Comme elle avait déjà du mal à retenir une larme sur ses joues quelques heures plut tôt, au moment d’inaugurer le centre sportif… Mathieu Bosredon, au lac du Causse.
« C’est une consécration pour lui mais aussi pour toute notre famille, car c’est une aventure familiale. On a tous apporté notre pierre à son édifice, même si c’est évidemment lui qui a fait tout le travail avec sa force de caractère. »Le travail. Et la persévérance. Des notions inculquées dès le plus jeune âge à Mathieu Bosredon, paraplégique à l’âge de 4 ans suite à un hématome qui a comprimé sa moelle épinière.
« On a voulu l’éduquer comme un enfant valide. Pour nous, il était hors de question de l’inscrire dans une école spécialisée. Alors oui, ça n’a pas été simple, surtout il y a trente ans en arrière, mais cela a forgé Mathieu. On voulait qu’il vive comme les enfants de son âge. Quand tu es handicapé, les gens ne viennent pas vers toi, alors c’est à toi d’aller vers eux, de t’ouvrir à eux », pose son papa, Thierry, qui a rapidement compris que son fils serait une force de la nature au caractère bien trempé.
« Quand la nouvelle de sa paraplégie est tombée, nous étions dévastés avec Valérie et on redoutait son réveil après l’opération. Mais finalement, Mathieu s’est réveillé, il est monté dans le fauteuil roulant qui était au pied de son lit d’hôpital et il est parti dans les couloirs. On est resté sans voix », confesse le papa qui a vu dans le sport le moyen pour son fils de se créer du lien social, en dehors de son cercle familial et de sa sœur Margaux et son frère Yoann qui ne l’ont jamais ménagé non plus.
— Benjamin Pommier (@BenjaminPommier) September 13, 2024
« À la maison, c’était quelque chose, hein. Mais tout ça a participé à la construction de Mathieu », sourit sa “tatie” Muriel qui se rappelle encore des mots de Mathieu, lors de vacances estivales. « Sur le trottoir, des personnes ne nous laissaient pas passer. Je voulais les interpeller mais Mathieu s’est débrouillé pour avancer. Il a toujours été combattant. »
Valérie et Margaux, la maman et la sœur de Mathieu Bosredon.
Un combattant qui a découvert le vélo dès l’âge de 8 ans, pris en mains par Christian Gaillard, alors président de l’association handisport pays vert. Hier, l’ancien éducateur avait été convié par son jeune poulain de l’époque pour participer à la fête.
Des photos et des autographes pendant plus d’une heure« Quand Thierry a amené Mathieu pour la première fois au club, il m’a dit “je veux qu’il soit traité comme tout le monde”. Et puis, en discutant avec lui, j’ai compris à qui j’avais affaire. Un enfant avec du caractère, déterminé à faire des choses. »
Vingt-six ans plus tard, le Briviste est devenu l’athlète français le plus titré des Jeux paralympiques avec trois médailles d’or. Il a aussi été choisi pour être le dernier porteur de la flamme au Stade de France. Un moment unique. « Je crois que c’est la plus belle image pour nous », glisse Margaux.
L’autre belle image, c’est aussi celle de son frère fendant la foule devant la médiathèque de Brive, ovationné et célébré comme un héros hier soir. Un héros qui a voulu profiter du moment, ne pas faire le moindre déçu en enchaînant les photos et les autographes pendant plus d’une heure trente. Question d’éducation, encore.
Benjamin PommierPhotos : Stéphanie Para