Le 2 mai 2011, l’une des unités d’élite des forces spéciales américaines, la "Seal Team 6", déclenche l’opération "Trident de Neptune" au Pakistan. La cible : Oussama Ben Laden, leader d’Al-Qaïda et commanditaire des attentats du 11 Septembre, finalement abattu à une cinquantaine de kilomètres de la capitale Islamabad. 13 ans plus tard, après des missions toutes aussi sensibles en Somalie ou encore au Yémen, la "Seal Team 6" se prépare pour changer radicalement de théâtre d’opérations, mais pour une mission toute aussi stratégique pour Washington : la défense de Taïwan en cas d’une potentielle invasion chinoise.
Le Financial Times affirme ainsi que cette unité des forces spéciales américaines, programmée pour les missions les plus sensibles et difficiles de l’armée américaine, planifient et s’entraînent pour une telle opération depuis plus d’un an dans leur QG de Virginia Beach, à près de 250 kilomètres de Washington.
Ces entraînements témoignent de la prise en compte extrêmement sérieuse par les Etats-Unis d’une possible attaque chinoise à Taïwan. Alors que le président chinois Xi Jinping a ordonné à son armée d’être en capacité d’ici 2027 de pouvoir envahir l’île, les Etats-Unis cherchent également à renforcer leur soutien et leur présence militaire à Taipei pour dissuader Pékin de mener une telle opération. D’autant plus que Washington est tenu d’apporter une assistance militaire à l’île depuis 1979 et le vote au Congrès américain du "Taïwan Relations Act" - toujours sans reconnaître officiellement l’île pour autant.
Les Etats-Unis renforcent et diversifient ainsi leur soutien à Taïwan ces dernières années, alors que Pékin multiplie les provocations et les incursions en mer de Chine ou dans le détroit de Taïwan. Toujours auprès du Financial Times, le directeur de la CIA, Bill Burns, avait ainsi assuré au début du mois de septembre que 20 % du budget de son agence était consacré à la Chine, soit une augmentation de 200 % en trois ans. Le Pentagone a également déployé des forces spéciales sur l’île pour former les soldats taïwanais, à la grande colère de Pékin.
Mais la préparation de l’une des unités d’élites les plus reconnues des forces spéciales américaines pour "un large éventail de possibilités" autour de Taïwan, des mots d’un porte-parole du Pentagone, témoigne d’un échelon encore supplémentaire passé par Washington dans sa possible implication dans la région. "Que la Seal Team 6 se prépare à d’éventuelles missions liées à Taïwan ne devrait pas être une surprise", concède auprès du Financial Times Sean Naylor, auteur de Relentless Strike, un livre sur le commandement des opérations spéciales américaines.
"Avec la réorientation stratégique du Pentagone ces dernières années vers la compétition entre les grandes puissances, il était inévitable que même les unités antiterroristes les plus expérimentées du pays cherchent à jouer un rôle sur cette scène, celle-ci étant celle menant aux missions, aux budgets et à la reconnaissance", ajoute celui qui tient également un site web sur la sécurité nationale américaine, The High Side.
Une chose est certaine : cette nouvelle risque de renforcer un peu plus les tensions entre Pékin et Washington. Ce jeudi, un haut responsable militaire chinois a affirmé que "si les Etats-Unis avancent leurs pions en coulisses, s’ils poussent des pays sur la ligne de front, ou si les Etats-Unis eux-mêmes finissent par se retrouver en première ligne", l’armée chinoise "n’hésitera pas", a-t-il martelé. Taïwan "ne succombera jamais" à la pression montante d’une Chine "plus agressive" à son égard, a de son côté assuré ce jeudi le ministre taïwanais chargé de la politique à l’égard de Pékin, Chiu Chui-cheng. La préparation d’un éventuel embrasement ne risque pas de retomber.