Jean-Baptiste Forray, rédacteur en chef délégué de La Gazette des communes, vient de signer un livre intitulé "Les nouveaux seigneurs" ou Comment les ultra-riches ont colonisé la Sologne et dénaturé la chasse, aux éditions Les Arènes.
Entretien avec l'auteur.
Connaissiez-vous la Sologne avant d’écrire ce livre ?
"Hormis un séjour à Center Parcs (Chaumont-sur-Tharonne), je n’ai pas de racines en Sologne. Je suis un animal urbain. Mais c’est un sujet qui m’a happé. Et j’ai été initié à une Sologne ouverte et verdoyante par l’Orléanaise Laurence Lacour, mon éditrice, qui l’a connue ainsi."
Qu’est-elle devenue, cette Sologne ?
"Elle est devenue le territoire de chasses ultra-secrètes des hyper-riches, avec des pratiques qui posent question. J’ignorais qu’il y avait quatre cents châteaux, cette profusion de luxe. Avec des gens qui se déplacent en hélico. Ils chassent le matin en Picardie et l’après-midi en Sologne. Le tout avec des fusils polis à la main, à 150.000 euros l’unité. La Sologne est devenue un autre monde, un laboratoire du séparatisme des ultra-riches qui restent enfermés chez eux."
Personne ne s’oppose à cette situation ?
"Une fronde est menée par des locaux pour mettre fin à cette fracture sociale, territoriale. Je n’ai pas fait un brûlot antichasse, mais il y a des grands chasseurs et des petits chasseurs. Ces derniers n’ont pas accès au gibier ne circulant plus à cause des murs construits. Pour mon enquête, face à des fins de non-recevoir cadenassées à triple tour, je suis passé par des chemins détournés afin d’assembler les pièces de ce grand puzzle. À savoir des anciens gardes, des armuriers, des invités, des rabatteurs."
Et la loi du 2 février 2023, contre l’engrillagement ?
"Sur le papier, elle répond à ce problème. En effet, toutes ces barrières devraient être levées d’ici 2027 afin que le gibier puisse de nouveau circuler librement. Mais il y a une batterie d’avocats qui est prête à agir. Sans oublier la QPC (Question prioritaire de constitutionnalité) qui a été déposée devant le Conseil constitutionnel. Certains ont les reins solides. Ils peuvent dépenser beaucoup de fonds. Pas comme l’Office français de la biodiversité (OFB). Même si les sept agents réagissent dès le lendemain aux signalements qui leur sont faits, les grillages sont loin d’être leur seule mission. La partie est loin d’être gagnée. En règle générale, le scepticisme règne en Sologne."
Un ouvrage très attendu en Sologne. Si la sortie du livre de Jean-Baptiste Forray, (20 euros, éditions Les Arènes), prévue initialement le 12 septembre, a été repoussée pour des problèmes d’impression, ce que confirment l’auteur et la maison d’édition – qui évoque un événement rare – cet ouvrage semble mettre un certain nombre de personnes en émoi. Y compris parmi celles que Jean-Baptiste Forray remercie à la fin de son ouvrage pour avoir bien voulu répondre à ses questions, en les nommant. Dans la liste des gens nommés, il y a par exemple un maire d’une petite commune du Loiret qui, aujourd’hui, dit qu'il ne se souvient plus avoir échangé avec l’auteur et ne pas le connaître. Jean-Noël Cardoux parle de "pavé dans la mare". Nicolas Vanier regrette la stigmatisation des riches. Hors liste, il y a aussi ces deux autres maires loirétains, dont les communes abritent des propriétés où la chasse est de haut standing, qui n’ont pas pris le temps de répondre à nos interrogations. Le livre n’est pas encore dans les librairies, mais il fait déjà trembler la Sologne. En tout état de cause, il sera disponible le 17 octobre !
Alexis Marie
