C’est un petit coin isolé, entre Billom et Saint-Dier d’Auvergne, où il règne, ce jour-là, une certaine fièvre. Jean-Baptiste, le père ; Nathalie, la mère ; Quentin, le fils, et Mathilde, la fille, accompagnée de son fiancé Julien : tous préparent le grand jour « et bien sûr, le jour J, il y aura les grands-pères ».
Une vraie histoire de famille, mais pas seulement. Dans le jardin, rassemblés dans leurs enclos, les chiens sont surexcités : « Ils attendent, bien sûr ! Parce qu’évidemment, ils savent. Les chiens passent leur temps à nous regarder, et ils ont compris que le grand jour approchait », explique Nathalie.Car aujourd'hui, c’est l’ouverture de la chasse et même les grands-parents devraient aussi être là !La nuit va donc être longue « ou courte, précise Mathilde. En fait, nous les jeunes, on ne dort quasiment pas. On passe la nuit à se faire un film. Comment les chiens vont réagir ? Qu’est-ce qu’ils vont flairer ? Les sangliers seront-ils au rendez-vous ? Ça tourne en boucle. Difficile de s’endormir ! »
Ce qu’ils vont ramener ? Pour Mathilde et son frère, ce n’est pas le plus important. Son père explique : « Dans la chasse comme partout, les choses évoluent. Les mentalités changent. Pour nos grands-parents, il était inenvisageable de ne pas tirer. De ne pas ramener quelque chose. Pour mes parents déjà, c’était moins essentiel. Mais il fallait quand même que le fusil tire. Pour nous, ça compte encore, mais c’est moins important, et ça continue avec nos enfants ».
Plus comme avant !Oui, ça continue, mais pas forcément comme avant. Depuis la nuit des temps, les hommes et les animaux chassent. Mais depuis quelques décennies, les choses sont en train de changer. Pour de plus en plus de personnes, les chasseurs sont devenus malfaisants. Plus de 70 % des Français considèrent aujourd’hui la chasse comme une pratique cruelle. Et près de 90 % considèrent qu’elle met en danger les promeneurs. Les Gayte ne se considèrent ni cruels, ni dangereux, mais ils mesurent cette évolution sans trouver de réponse : « Le problème, c’est que c’est devenu un point de vue dogmatique. On ne peut pas discuter. Nous sommes des assassins barbares et sanguinaires pour beaucoup de promeneurs qui ne savent pas que sans nous, beaucoup de chemins qu’ils empruntent ne seraient pas praticables. On parle de notre passion entre nous, mais avec les gens qu’on ne connaît pas, c’est difficile. On évite le sujet car on sait qu’on a peu de chances d’être entendus. »
Les chasseurs face à leurs détracteurs
« C’est la chasse, précise Nathalie. On est censés tirer sur du gibier. Et puis les chiens surtout sont dressés pour ça, depuis toujours. Sans gibier, ils ne comprendraient pas. Mais on respecte les animaux et la nature ».
Titulaire d’un BTS en gestion et protection de la nature, et actuellement en BTS de gestion forestière, Mathilde, 20 ans, précise : « C’est plus qu’un hobby ou un sport. C’est une passion. Un mode de vie. Être dans la nature, avec ses chiens, à suivre une trace, c’est unique. On respecte le gibier. On ne le jette pas dans la voiture comme de la viande. On lui met une branche dans la bouche (c’est censé symboliser le dernier repas, NDLR). Et on ne chasse pas quand il neige. Trop facile avec les traces. Et puis si on ne ramène rien, on est quand même heureux. Ramener du gibier, il y a longtemps que ce n’est plus l’essentiel. »