Après des péripéties financières, Navya, la PME pionnière de la mobilité autonome devenue Gama, est de retour. Désormais détenue à 100 % par un groupe japonais, l’entreprise a placé l’international au cœur de sa stratégie pour passer à la vitesse supérieure.
« Je suis fier de notre parcours », sourit Jean-Claude Bailly. Pourtant, l’entreprise de 160 personnes qu’il dirige a bien failli disparaître. En 2014, Induct, le créateur d’un bus électrique sans chauffeur, alors en liquidation judiciaire, est repris par six ingénieurs et est rebaptisé Navya qui lance en 2016 l’Arma, premier véhicule autonome de série. A la suite d’un placement en redressement judiciaire en février 2023, la PME est reprise en avril par le constructeur français de véhicules autonomes Gaussin (51 %) et l’entreprise japonaise Macnica (49 %) pour devenir Gama.
Egalement en difficultés, le spécialiste français du matériel de levage et des remorques automotrices pour le portuaire et l’aéroportuaire cède finalement la totalité de ses parts au japonais Macnica. Ce groupe de 5 000 personnes, qui fournit des semi-conducteurs, des appareils électroniques, des réseaux et des solutions de cybersécurité, développe également des projets dans le secteur de la conduite automatisée, actuellement en plein essor.
« Nous sortons d’une phase de réorganisation au cours de la quelle nous avons signé de nouveaux contrats avec tous nos fournisseurs et recruté 80 personnes, détaille Jean-Claude Bailly, ancien vice-président de Gaussin. Notre base était solide grâce à nos capacités de R&D et à notre flotte de 200 navettes réparties dans 28 pays. » Très orientée R&D, la PME doit désormais mettre l’accent sur la relation avec ses clients et la conquête de nouveaux marchés.
Spécialiste des véhicules autonomes pour la logistique, le portuaire et l’aéroportuaire, donc essentiellement dans des circuits fermés (mais pas que), Gama a également développé un modèle de tracteur électrique sans chauffeur, le Tract AT 135, destiné à l’industrie et à la logistique. Pour ce faire, elle a créé en 2018 une coentreprise, avec le français Charlatte. « Je ne peux pas citer le nom de l’entreprise, mais nous avons déployé ce modèle sur le site de production d’un grand constructeur en Allemagne », se félicite le dirigeant. Une carte de visite en or pour démarcher d’autres industriels au moment où la décarbonation et les véhicules électriques ont le vent en poupe. « La demande est très forte dans l’industrie et l’aéroportuaire en ce moment », confirme Jean-Claude Bailly.
La nationalité du nouvel actionnaire majoritaire donne évidemment un tropisme asiatique à la PME qui dispose d’une filiale à Singapour pour la partie servicielle. Macnica, la maison-mère, joue un rôle de distributeur au Japon qui truste à lui seul 60 % du chiffre d’affaires. « Les ventes au Japon nous permettent de nous développer en Asie mais aussi de remonter et de développer notre offre de services », dont l’entreprise propose toute une gamme : la supervision, le déploiement, la programmation à distance et la maintenance, notamment. Des discussions sont en cours à Hong Kong et en Corée du Sud.
Pour se développer en Asie, Gama compte sur son actionnaire principal et ses partenariats. Ainsi, début août, Macnica a convenu d’investir dans Gama avec la Nippon Telegraph and Telephone West Corporation dans le but d’accélérer la mise en œuvre sociale des services de conduite autonome et de contribuer à la résolution des problèmes sociaux auxquels sont confrontées les collectivités locales. Pénurie de chauffeurs, maintien des transports publics, vieillissement de la population… Le transport est un enjeu sociétal dans l’archipel.
Hors Asie, « nous redéveloppons le commercial aux États-Unis en Amérique latine et prospectons le Moyen-Orient », détaille le P-dg. Des marchés avec des impératifs différents. Aux États-Unis par exemple, où la législation sur les véhicules autonomes est plus souple, il s’étend au transport de passagers (particuliers, compagnies de taxis…).
Ce nouvel actionnaire japonais pourrait-il conduire la PME à délocaliser sa production dans des pays asiatiques à bas coûts ? Aucun intérêt, selon Jean-Claude Bailly : « Nos fournisseurs sont essentiellement français et européens ». De plus la France bénéficie d’un écosystème de choix pour développer des solutions de mobilité. La PME travaille ainsi sur des briques technologiques avec de grandes entreprises tricolores comme Valéo. « Notre cœur de métier c’est la conduite autonome et les systèmes d’opération », insiste le dirigeant.
Gama a d’ailleurs augmenté ses capacités de production en mai dernier en ouvrant à Saint-Vallier (Saône-et-Loire) un nouveau site dont il peut sortir 120 véhicules par an. De quoi répondre à la demande et alimenter de nouveaux marchés.
Sophie Creusillet
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