Plutôt réservée, Camille ne prend pas beaucoup la parole avant que l’on évoque les Jeux paralympiques de Paris. La jeune fille est une fervente supportrice de l’équipe de France. Avec sa mère, Stéphanie, elles sont même allées voir le passage de la flamme à Vichy le 26 août dernier.
"J’attends que Théo Curin passe à la télé", s’impatiente la Thiernoise de 19 ans, en situation de handicap mental. Comme son athlète favori, Camille pratique la natation, en plus de l’équitation. "Le sport, ça permet de chasser les idées noires qui la traversent toute la journée, alors il faut en faire un maximum, et apprendre à se surpasser", éclaire sa mère.
Une sous-représentationÀ 42 ans, Morad aussi est à fond derrière sa télévision. L’habitant du Foyer des Granges de l’Adapei, à Saint-Jean-d’Heurs, est un grand fan de sport, alors il ne rate aucun rendez-vous de ces Jeux. "J’adore la compétition. J’ai un esprit de vainqueur", se raconte-t-il. Au quotidien, il aime danser, il nage et cours beaucoup.
"Moi, le sport, ça m’évite de pleurer. C’est comme ça que je lutte contre la dépression."
Si cette période des Jeux paralympiques est l’occasion rêvée de mettre le sport et le handicap sur le devant de la scène, les déficients intellectuels, trisomiques et autistes peinent encore à trouver leur place au milieu de cette grand-messe.
Pour la 17e édition de cette compétition, seulement 120 athlètes participants, dont six Français, présentent un handicap mental parmi les 4.400 autres compétiteurs de handisport, c’est-à-dire des personnes en situation de handicap moteur ou sensoriel. Une faible représentation qui reflète, entre autres, un manque d’offres sportives adaptées à ce public. "C’est déjà bien que l’on parle de handicap, mais ça va durer deux semaines, et nous après, on sera encore seuls", estime Nassira.
Des portes fermées dans le monde associatifLa mère de Sarah, 32 ans, et en situation de handicap mental, s’est démenée auprès de nombreuses associations à Thiers pour permettre à sa fille de pratiquer une activité physique.
"Trop souvent, on nous a claqués la porte au nez sans même essayer, sous prétexte que le handicap est trop compliqué à gérer."
Des responsables de club pas toujours bienveillants, des créneaux ouverts, puis rapidement fermés, faute de personnel formé… Les obstacles sont nombreux pour ces familles. "Ma fille adorait la natation synchronisée, elle a pu pratiquer la discipline dans le cours des enfants pendant plusieurs années, mais à ses 18 ans, il a fallu arrêter", illustre Stéphanie, la mère de Camille.
Alors, dès 2011, pour faire face à la situation, Nassira décide de proposer des cours de danse avec Marika, une professeure formée au handicap mental. "À l’époque, elle venait aider Sarah à apprendre à lire. Mais en parlant de notre situation, on a eu l’idée de la danse. On voulait proposer des séances ouvertes à tous pour mélanger les publics."
Une association créée à Thiers en 2014Grâce au bouche-à-oreille, une petite dizaine de participants ont rejoint l’aventure, dont Camille, Morad, Virginie et Pascal, qui est désormais le président de l’association Handigirls créée en 2014 (voir ci-dessous) et lui-même en situation de handicap mental. "J’emmenais ma fille toutes les semaines, et puis un jour, je me suis lancé. À l’époque, je faisais 100 kg et depuis j’en ai perdu 20. Ça m’a beaucoup aidé."
Face au manque d’accompagnement venu de l’extérieur, ces familles ont dû se démener pour que leurs enfants aient accès aux mêmes activités que les autres. Une situation à laquelle ils sont trop souvent confrontés. "Notre vie est faite de batailles. C’est fatigant, des fois, on aimerait juste que ce soit un peu plus simple", résume Nassira. De quoi penser que collectivement, on peut faire mieux.
En cette rentrée, le président Pascal Magnier se promène avec des affiches pour que l’info soit diffusée le plus largement possible : la reprise des cours de danse aura lieu mercredi 11 septembre à la Maison des associations. Et si le nom Handigirls peut laisser penser qu’ils sont réservés aux personnes en situations de handicap et aux filles, ce n’est pas le cas. "Au contraire, nos séances sont ouvertes à tout le monde. L’objectif est de mélanger les publics et de faire de nos différences une richesse", insiste Nassira Pegeon, sa créatrice toujours investie dans l’organisation.
Des projets ambitieuxPour aller dans ce sens, Handigirls a déjà monté un spectacle en partenariat avec le conservatoire de la Ville de Thiers. Ses adhérents ont aussi participé aux battles de hip-hop organisés à la Maison des jeunes Nelson-Mandela et aux réunions associatives comme la fête de la Fraternité. "On a senti un vrai engouement pour les licenciés et c’est une bonne chose de rendre le handicap visible. C’est de cette manière que les esprits s’ouvriront autour de la question", considère la professeure Marika, à l’initiative de ces projets et qui compte bien continuer à les développer.
En attendant, l’association est à la recherche de nouveaux adhérents. Pour les intéressés, les cours ont lieu les mercredis de 17h30 à 19 heures.
Pratique. Contact, infos et inscriptions au 06.34.43.32.84 ou par e-mail à l’adresse handigirls63@gmail.com.
Angèle Broquère