Alors que le deuxième trimestre 2024 montrait les signes d’un retour à meilleure fortune sur le marché immobilier, l’absence de majorité parlementaire et de gouvernement paralyse les acheteurs, constate le patron du réseau aux 720 agences.
L’Express : Quelles tendances avez-vous observées au deuxième trimestre sur le marché immobilier ?
Yann Jéhanno : Jusqu’à la dissolution de l’Assemblée nationale, le marché envoyait des signaux plutôt favorables : les taux d’intérêt reculaient sous la barre des 4 %, restituant du pouvoir d’achat aux acquéreurs, les prix se tassaient, avec une baisse moyenne de 4,1 % à la fin du premier semestre sur un an, et les banquiers se mettaient de nouveau à prêter. Ces éléments ont remis un peu de baume au cœur des acheteurs et nous avons observé, dans notre réseau, une légère reprise des transactions.
Nous pouvons tirer deux enseignements notables de la première moitié de l’année. Tout d’abord, dans un contexte inflationniste, les maisons sont moins recherchées. Elles représentent une enveloppe financière importante : à l’achat, sur le plan énergétique et à l’entretien. Par ailleurs, les périphéries des grandes métropoles sont les plus à la peine. C’est particulièrement vrai en Ile-de-France où les prix ont reculé de plus de 8 % en six mois, contre seulement 5,3 % pour Paris et 4,1 % en moyenne au niveau national. Ces territoires concentrent une grande offre de maisons et ce sont eux qui avaient enregistré la plus forte demande pendant le Covid.
La dissolution a-t-elle contribué à l’attentisme des acheteurs ?
Il est vrai que l’été a été particulièrement calme ! Depuis la dissolution, tout le monde est tétanisé. Chaque parti a présenté ses mesures en matière immobilière : suppression des droits de mutation pour les primo-accédants, abrogation du diagnostic de performance énergétique (DPE)… Ce flou n’incite pas à s’engager dans un projet personnel. Le marché de nécessité, lié aux mutations professionnelles ou aux séparations, est toujours au rendez-vous, mais les achats de confort se tarissent. Etonnamment, les investisseurs locatifs restent présents malgré les changements réglementaires réguliers. Il faut dire que l’immobilier est la seule manière de se constituer un patrimoine avec du levier.
Faut-il s’attendre à de nouvelles baisses de prix ?
Pendant l’été, les prix dans notre réseau ont encore reculé, mais de manière peu significative du fait d’un volume de transaction très limité. Sans surprise, ils devraient continuer de baisser de façon marquée pour apporter de la fluidité au marché. Schématiquement, la hausse des taux a réduit le pouvoir d’achat immobilier de 20 à 25 %. Sur ces derniers trimestres, les acquéreurs en ont récupéré environ 10 %, grâce à un crédit moins cher, un recul des prix et des marges de négociation plus élevées. Nous ne nous attendons pas à ce que les prix de la pierre fléchissent encore de 10 à 15 %, mais plutôt de 3 à 4 %.
Les acquéreurs doivent aussi comprendre que la situation antérieure, avec des taux extrêmement bas, était anormale. Ils doivent accepter de revoir leurs prétentions à la baisse pour réaliser leur projet immobilier.
Quel est l’impact du DPE ?
Une mauvaise étiquette énergétique – F ou G – entraîne une triple sanction pour le vendeur. D’abord, lors de la mise sur le marché car le bien sera positionné moins cher. En outre, les délais de vente sont supérieurs de sept à dix jours. Enfin, les négociations sont plus conséquentes lorsque le DPE n’est pas favorable : la remise est de 6 à 6,5 %, contre 5 % en moyenne.
Du côté des acheteurs, une partie d’entre eux ne veulent pas d’un bien énergivore, en particulier ceux qui réalisent un investissement locatif. Mais ceux qui achètent pour se loger, avec un petit budget, cherchent plutôt un logement avec un mauvais DPE car il est moins coûteux. Il faut aussi garder en tête la réalité du parc : dans des villes comme Paris, 40 % des logements sont classés F ou G.
Quelles sont les perspectives pour la rentrée ?
Je ne suis pas pessimiste en ce qui concerne les volumes de ventes car il existe toujours des transactions de nécessité. En outre, les taux sont plus contenus, les banques sont davantage au travail… Le marché devrait continuer de tourner autour de 850 000 ventes cette année. En revanche, je suis beaucoup plus inquiet sur le fait que de plus en plus de Français ont du mal à trouver un toit : l’accès au logement social, à la location dans le parc privé et à la propriété est entravé. Des propositions ont été mises sur la table par la profession mais toutes les réformes attendues sont actuellement suspendues.