L’histoire de Gloria Agblemagnon est celle racontée cent fois de l’adolescente que ses parents ont poussé à faire du sport « pour ne pas qu’elle traîne dans la rue ». Enfance vierzonnaise dans le Cher, adolescence à Orléans dans le Loiret. Voilà pour le socle, les racines d’un parcours que le talent, le travail et l’entourage ont rendu majestueux. Au point de conduire une jeune femme de 26 ans seulement à disputer ce soir ses troisièmes Jeux paralympiques.
Pour comprendre Gloria Agblemagnon, il faut parler à Guy son papa. Pourquoi ? « Parce que si je fais tout ça, c’est pour le rendre fier », confie la lanceuse de poids dans la courte vidéo de présentation sur le site de l’équipe de France paralympique. Ancien gardien de but de football, international togolais, celui qui vit toujours dans le Loiret y est pour beaucoup dans la destinée de sa fille. « Et pourtant, le lancer du poids, je n’y connais rien ! », s’esclaffe-t-il aujourd’hui.
À la base, c’est au basket qu’il avait inscrit Gloria. Davantage par facilité que par affinité. « J’avais mis mes trois premières filles au basket car cela m’évitait de faire des allers-retours à gauche et à droite. Mais Gloria ne s’est jamais vraiment intéressée à ce sport, on l’a vite compris. » Contrairement à sa sœur aînée, Brenda, qui évolue chez les pros à Alençon (LF2).
Sa famille au Stade de FranceGloria, qui avait aussi pratiqué l’équitation, se dirige ainsi vers l’athlétisme. On lui a décelé des capacités au collège et indiqué un club où elle pourrait évoluer : le Saran Loiret Athletic Club (Slac). « Je traversais une période assez difficile, notamment dans les relations avec mes camarades, cette discipline était une échappatoire et me permettait d’évacuer mes sentiments après les cours », confiait la lanceuse à nos confrères de l’Est Eclair il y a quelques semaines.
Autre histoire racontée mille fois, celle de l’entraîneur à l’œil avisé qui décèle chez l’une de ses athlètes un talent singulier et l’oriente au bon endroit au bon moment. Si Gloria Agblemagnon sera ce soir (19 heures) sous les projecteurs du Stade de France, Maxime Bauchet est celui qui a allumé la lumière. « C’est à lui qu’il faut rendre hommage », appuie Guy Agblemagnon.
L’entraîneur du Slac est l’homme qui a orienté l’athlète vers le lancer. Celui, aussi, qui a accompagné son ascension vers l’Olympe à Rio puis à Tokyo. L’athlétisme fait en effet partie des trois disciplines paralympiques (avec la natation et le tennis de table) ouvertes aux personnes qui, comme Gloria, souffrent d’une déficience mentale. « J’ai besoin de temps pour comprendre certaines choses », résume-t-elle à propos de son handicap.
De ses deux expériences aux Jeux, la Vierzonnaise de naissance en a évidemment acquis une certaine expérience. Mais après avoir lancé à chaque bout du monde pour cet événement, elle pourra, ce soir, compter sur le soutien de sa famille dans une enceinte dionysienne acquise à sa cause. « On est presque à la maison, s’enflamme son papa. Donc on sera au Stade de France en famille et on sera nombreux pour l’encourager. En espérant qu’elle remporte une médaille, car, franchement, elle le mérite. »
Depuis les Jeux de Tokyo, la lanceuse a mis le cap à l’est. Elle est désormais licenciée au Troyes omnisports, dans l’Aube, où elle vit. Son coach a changé également et elle est aujourd’hui entraînée par Michaël Hillera.
Le podium à sa portée ?Dans sa classification, F20, la Française semble en mesure de jouer le podium. Si les références de la lanceuse britannique Sabrina Fortune (14,83 m cette saison) sont un cran au-dessus des autres, Gloria Agblemagnon (record à 13,90 m ; 13,71 m cette saison) figure dans un groupe d’une poignée d’athlètes capables de lutter pour la médaille. Et tout son clan espère la voir bénéficier du fameux home advantage (l’avantage de concourir à domicile) pour qu’elle décroche une breloque tant attendue. Elle s’est d’ailleurs habituée à ces encouragements lors de son dernier entraînement à Troyes, la semaine dernière, où des supporters sont venus l’acclamer.
Antonin Bisson