Certains mauvais rêves se répètent inlassablement au cours d’une vie, avec toujours les mêmes détails, et, surtout, la même conclusion. Le cauchemar récurrent du gouvernement ? Les finances publiques. Après une rencontre, jeudi 29 août, avec le ministre délégué aux Comptes publics, Thomas Cazenave, le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Eric Coquerel, a rapporté que Bercy s’attendait à des recettes fiscales moindres qu'attendu en 2024. "Il y a moins de recettes qu’espéré, que ce soit l’impôt sur les sociétés ou l’impôt sur le revenu. Ça va encore sur la TVA, mais juillet n’a pas été très bon", a déclaré le député LFI après cette rencontre, selon des propos rapportés par l’AFP.
Une nouvelle déconvenue. L’année dernière déjà, le déficit public s’est creusé à 5,5 % du PIB, loin des 4,9 % attendus par l’exécutif dans le projet de loi de finances 2023-2024. La faute à… des rentrées dans les caisses de l’Etat plus faibles que prévu. Si le scénario se répète, les conséquences pourraient être considérables. Comme en avril dernier, lorsque Bruno Le Maire avait signé un décret annulant 10 milliards d’euros de crédits, dont 2 milliards consacrés à l’écologie, le futur gouvernement pourrait être contraint de tailler significativement dans le budget de certains ministères. D’autant que certains d’entre eux, comme celui Travail, ont déjà reçu la consigne de se serrer la ceinture après l’envoi des lettres plafonds - qui fixent un montant maximal de crédits accordés. Étant donné l’actuelle difficulté à trouver la moindre économie, une nouvelle correction paraît inenvisageable.
Les erreurs du passé ne semblent pas avoir servi de leçon. La situation était prévisible, selon le sénateur LR Jean-François Husson. "Le dérapage constaté en 2023 a forcément des répercussions en 2024. Si la base taxable produit moins de recettes et que cela se prolonge, on est alors dans une forme de goulot d’étranglement", déplore le rapporteur général de la commission des Finances du Sénat. Avec une procédure de déficit excessif de la Commission européenne désormais au-dessus de sa tête, la France ne peut se permettre de nouvel écart. Alors comment expliquer ce nouveau risque de dérapage ? "Il y a des changements de comportements plus rapides dans la consommation du grand public et peut-être aussi qu’il y a des dépenses imprévues ou des absences de recettes non anticipées que les modèles de Bercy ont du mal à intégrer", avance comme première justification le sénateur. Mais entre-temps, les équipes du ministère auraient dû corriger le tir.
En se trompant de nouveau sur ses prévisions, Bercy entamerait un peu plus la confiance des citoyens envers leurs gouvernants, déjà fragile. "C’est un message anxiogène. Bercy est perçu par les Français comme une citadelle impénétrable, dont les agents finissent toujours par gagner et faire valoir leur point de vue, même quand le politique essaye de modifier les choses", juge Jean-François Husson.
L’élu en appelle à plus de transparence : "Même si les nouvelles sont peu agréables, il vaut mieux les dire et donner toutes les informations". Convié au rendez-vous de jeudi avec Eric Coquerel, aux côtés du nouveau rapporteur général du budget de l’Assemblée nationale, Charles de Courson, il n’a pour l’instant pas donné suite à la demande du ministre. Le sénateur regrette que Bercy n’ait pas encore fourni tous les documents nécessaires pour comprendre et analyser la situation délétère des finances publiques. "Il faut respecter le Parlement, c’est inacceptable", s’emporte-t-il. En mars dernier, Jean-François Husson avait mené une mission de contrôle au ministère de l’Economie, à la suite de l’annonce de la dégradation du déficit. Face au manque de clarté, il prévient : "Si je n’ai pas les éléments, je refais une descente". Bercy est prévenu.