C'est fou comme la dissolution a vraiment tout clarifié ! Ce second quinquennat est décidément à nul autre pareil. Le dernier remaniement avec Gabriel Attal à sa tête est déjà loin, les élections européennes sont à peine terminées que le président décide de convoquer des élections législatives. Avec le résultat qu’on connaît… Plus que jamais, en coulisses, les uns apprennent à esquiver les croche-pattes, les autres se familiarisent avec l’art du complot, bref, tout le monde prépare l’après-Emmanuel Macron avec rigueur et détermination.
Comme souvent les adversaires, Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont l’un pour l’autre beaucoup de curiosité. Si leur rencontre à l’Elysée lors des consultations conduites par le président de la République n’était pas la première, elle a néanmoins marqué les deux participants. Du point du vue du chef de l’Etat, il s’agit de "leur meilleur rendez-vous", selon un stratège macroniste qui n’en revient toujours pas de la liste des qualités égrenées par l’hôte élyséen. La patronne du RN a été jugée "sérieuse et calme".
Quant à cette dernière, elle a confié en privé avoir été un peu surprise par le flot de questions dont l’a abreuvé Emmanuel Macron. Une phrase aussi l’a surprise : "Je pense que j’ai un chemin", lui aurait glissé le président. Une sentence qui a paru sans doute un brin affirmative à Marine Le Pen tant la situation politique est, à ses yeux, défavorable au président. Question de point de vue.
Les deux hommes ne s'adressaient plus la parole depuis des années… Entre le premier secrétaire (et ancien directeur de cabinet de François Hollande) et l’ex-président, une détestation partagée. On s’en souvient, François Hollande avait peu goûté l’inventaire "sans concession" du quinquennat socialiste signé Olivier Faure, qui cherchait à sauver les meubles au PS tant bien que mal. Tout ça, c’est du passé. Les deux hommes ont beaucoup échangé cet été, principalement par message. "C’est le dégel", confirme l’entourage de l’ex-chef de l’Etat. Avant les JO et le départ de chacun en vacances, les deux hommes ont partagé quelques visions stratégiques pour la rentrée, et l’aîné s’est même permis des conseils à son ancien collaborateur. Les écoutera-t-il ?
Fin août, lorsque les Insoumis ont dégainé sans prévenir personne la tribune sur la destitution d’Emmanuel Macron - fâchant ainsi tout le monde au NFP - Hollande a décroché son téléphone pour joindre Faure et lui demander de monter au créneau. Ce sera chose faite. "Il est dans l’union, il est aligné sur notre stratégie", veut croire un proche du premier secrétaire du PS. Tout est bien qui finit bien ? Impossible n’est pas socialiste.
En juillet, quand il accède à la tête du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, Gabriel Attal indique à Elisabeth Borne qu’il ne visera pas la direction du parti. Qu’à cela ne tienne ! L’ancienne Première ministre n’a donc pas jugé nécessaire de prévenir son successeur à Matignon avant de déclarer sa candidature dans Le Parisien, le 21 août.
Après la délégation de gauche emmenée par Lucie Castets, les dirigeants du "bloc central" sont arrivés en ordre dispersé à l’Elysée, le 23 août. Quelques minutes avant d’arriver, ils se sont rendus compte d’une chose. Gabriel Attal, Edouard Philippe, François Bayrou, Stéphane Séjourné, Marc Fesneau, Laurent Marcangéli, Laurent Hénart, François Patriat, Hervé Marseille, Claude Malhuret… Ils n’étaient que des hommes. Autant éviter la photo de groupe.
Le nombre de ministres qui se verraient bien continuer de servir le pays ne faiblit pas… Il faut dire qu’Emmanuel Macron ne les dissuade pas forcément. Le président a laissé entendre à son ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, qu’il n’était pas exclu qu’il reste au Quai dans le futur gouvernement.
Emmanuel Macron n’avait jamais reçu en tête-à-tête Eric Ciotti quand celui-ci présidait LR. Le Niçois en avait perçu beaucoup d’amertume, il s’en plaignait encore quelques semaines avant la dissolution auprès d’un ténor macroniste. Le voici président d’un groupuscule parlementaire, et à ce titre il a eu droit à son rendez-vous, seul avec le chef de l’Etat, le 23 août. Enfin !
Les députés ont élu en juillet un nouveau bureau à l’Assemblée nationale, avec une majorité pour des élus du Nouveau front populaire et aucune place pour le Rassemblement national, qui constitue pourtant le premier groupe dans l’hémicycle. Une situation dénoncée par la présidente Yaël Braun-Pivet, comme par Emmanuel Macron ou François Bayrou. Et un faux semblant ? Le cabinet de Yaël Braun-Pivet rappelle un point : tout président de groupe (Marine Le Pen l’est) peut assister aux réunions du bureau s’il le souhaite.
C’est de là qu’il date le début de sa "descente aux enfers" : Jean-Michel Blanquer, alors ministre de l’Education nationale, refuse d’être tête de liste aux régionales en Ile-de-France, en juin 2021. "J’ai besoin de vous, il faut quelqu’un de poids face à Valérie Pécresse", souligne le président. Blanquer persiste dans son refus, écrit à Emmanuel Macron. Aucune réponse. Pire, "il entra dans une colère gigantesque. (...) Il ressortait de son humeur que j'étais au fond un ingrat, qu’il était inouï que je me permette de refuser sa demande, qu’il faudrait que je comprenne bientôt qui m’avait fait ministre et que ce qui m’avait fait pouvait me défaire." Il raconte l'épisode dans La citadelle (Albin Michel), un livre qui retrace avec force détails son expérience gouvernementale.