"J’ai l’impression que ça fait stade, alors qu’il n’y a encore ni siège ni tribune. On se sent déjà beaucoup mieux que l’année dernière où il n’y avait rien, que le vide. Là, déjà, avec les angles, c’est un peu plus fermé, un peu plus cosy, on a l’impression qu’on est chez nous ".
Visiblement, Johan Gastien, le capitaine du Clermont Foot 63 appréciait, en cette fin juillet, à l’issue de l’un des entraînements programmés sur le terrain d’honneur, la vue que lui offraient les premiers contours de la nouvelle version de la tribune « Limagne » et ses futures 6.002 places.
Une version qui n’en est enfin plus qu’aux prémices, ce dont peuvent témoigner les 5.582 personnes qui ont garni les travées de Gergovie, sa voisine d’en face, lors de la réception de Pau par le Clermont Foot, malgré un vendredi 16 août, à 20 heures.
Un "invisible" travail titanesqueSouviens-toi, l’été dernier, les pelles mécaniques, sagement garées sur le terre-plein arrière du stade lors des rencontres… Avec juste en dessous, les seules bâches sérigraphiées, reprenant les dessins du projet conçu par Atelier Ferret Architectures, comme pauvre et immuable décor. Utile mais masquant le travail titanesque devant être accompli avant que renaisse vraiment « Limagne » aux yeux de tous.
Des travaux de terrassement, tout d’abord, nécessitant de retourner des milliers de mètres cubes de terre.
Mais il a fallu aussi enterrer nombre de tubes de 2 mètres de diamètre sur 70 mètres de long, installés sous la partie arrière de la tribune et destinés à jouer le rôle de “bassins d’orage”.
"On est en zone inondable avec la nécessité de limiter le “débit de fuite”. C’est-à-dire que s’il pleut beaucoup, on essaye d’infiltrer un maximum d’eau sur place. Et si le terrain ne peut pas tout boire au fur et à mesure, on a construit ces bassins pour permettre de stocker de l’eau et l’évacuer progressivement", explique Marc Finot, chargé de mission « grands travaux bâtiments » au sein de Clermont Auvergne Métropole.La nouvelle tribune Limagne avec sa charpente métallique en « croissant de lune ». VISUEL : ATELIER FERRET ARCHITECTURES
Et puis il y eut les fondations. Une paille… "On a fait appel à des entreprises de fondations spéciales : pieux, colonnes ballastées… Des ouvrages très techniques que ces entreprises elles-mêmes n’effectuent pas tous les jours non plus. »Tant il est vrai que la charge supportée est énorme, exceptionnelle même : « Sur les appuis qui reprennent le plus de charge sous la tribune, on n’a pas un pieu mais des tripodes. Ce n’est pas par leur profondeur qu’ils sont impressionnants, avec leurs 12 mètres mais par leur nombre, 366. "
Un travail qui resta donc longtemps invisible jusqu’à la pose de la première pierre, le 26 janvier dernier, manifestation symbolique du calendrier du chantier, comme put l’être à peu près à la même période, le montage des deux immenses grues dominant le chantier et… beaucoup de monde.
Près de 100 personnes travaillent sur le chantier"Là, en termes d’effectif, ça a été un vrai changement depuis cinq mois, avec pas loin de 100 personnes, le plus gros effectif de l’opération. Alors que sur certains chantiers, les ferrailles arrivent pré-assemblées, là, un atelier de ferraillage du béton a été installé à l’arrière du chantier avec une quinzaine de personnes y travaillant à temps complet."
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Le béton armé, socle et cœur du projet : "En ce moment, on est dans les élévations du premier des cinq étages par lesquels on atteindra le haut de la tribune."
Une ascension progressive qui verra la structure culminer à 24 mètres de haut et même bien plus (36 m !), une fois réalisée la charpente métallique la chapeautant.
"Et dans deux mois, quand on mettra en place les gradins préfabriqués sur les poutres à crémaillère que l’on voit se monter aujourd’hui, ça fera son effet", annonce Marc Finot.
Cosy ? On redemandera à Johan Gastien. Sans pour autant contredire le ressenti du capitaine du CF63, Marc Finot, lui, englobant la réalisation dans tous ses aspects, évoque le « hors du commun » du sujet.
"On est sur des ouvrages qui sont un peu hybrides. On est à la fois sur des chantiers de “bâtiment”, c’est-à-dire qu’on a des lots de finition intérieure comme quand on construit une maison ou des bureaux, avec des plâtriers, des peintres, des plombiers, des électriciens, etc. Mais sur le gros œuvre, la phase actuelle, on est plus près d’ouvrages de génie civil comme les ponts, les tunnels… Parce qu’on est sur des portées qui sortent vraiment de l’ordinaire, des quantités de matériaux exceptionnelles. Par nature, une tribune de stade, c’est un ouvrage d’art hors du commun".
L’Atelier Ferret Architectures y a particulièrement veillé, et notamment avec la charpente métallique dont les premiers dessins ont déjà fait beaucoup parlé, avec sa forme en croissant de lune.
"Les charpentiers sont en train de la fabriquer. Ils ont approvisionné l’acier, l’ont façonné dans leur atelier et viendront, fin octobre, sur le site, pour en suivre les assemblages. Les premiers levages auront lieu à la fin du mois de novembre et ça devrait être spectaculaire."
Où la problématique de coactivité trouvera un terrain d’expression… hors du commun : "Car lorsque vous faites des levages de charpente comme celle-ci, tout le monde s’en va, il ne s’agit pas de laisser quelqu’un dessous !"
Hors du commun… Et pourquoi pas vertigineux ? 36 mètres de haut, 39 travées, des fléaux, poutres tridimensionnelles d’une longueur de base frôlant les 50 mètres, générant un porte-à-faux pouvant atteindre les 43 mètres en direction de la pelouse, des tests en soufflerie pour supporter les (forts) caprices du vent…
Autant son esthétique que la technicité de sa réalisation en impose.En témoigne la procédure particulière de l’installation sur le chantier même d’« un grand portique » (« cube » de quelque 8 m de côté), prototype pour les nombreux nœuds qui assureront, à 30 mètres de haut, la liaison avec les poteaux et les fléaux.
Alors que la livraison du chantier est programmée pour l’automne 2025, pas moins de six mois seront nécessaires pour achever la pose de la charpente.Une période pendant laquelle le reste du chantier relevant du « bâtiment », celui-là (hors eau, hors air, second œuvre, finitions…) vivra sa vie. Sans oublier la création du gymnase adjoint et la réalisation de nouveaux parkings « végétalisés » par 900 arbres et arbustes. Cosy, non ?
Une réalisation de haute technicitéUn prototype pour les "noeuds" qui relieront les grands poteaux aux fléaux de la charpente de la nouvelle tribune. PHOTO FREDERIC MARQUET
PROTOTYPE. Géant. Concernant la charpente métallique, à 30 mètres de haut, des nœuds assureront la liaison entre de grands poteaux et les fléaux leur correspondant. De quoi susciter un protocole technique particulier : "On a sur le chantier, un grand portique qui est en réalité un prototype d’une partie de la charpente, qui a servi à l’équipe de maîtrise d’œuvre afin que puissent être validés avec l’entreprise qui en assure la construction, un certain nombre de détails de réalisation", explique Marc Finot, chargé de mission de la Métropole.
EN CHIFFRES
6.002. Le nombre de places que proposera, une fois achevée, la nouvelle tribune « Limagne ».24. En mètres, la hauteur des cinq étages de la tribune béton.366. Le nombre de pieux de fondation destinés à en supporter la charge.36. En mètres, la hauteur de la tribune avec sa charpente métallique.49. En mètres, la longueur maximale de la partie horizontale de la charpente métallique, dont 43 mètres de porte à faux en direction de la pelouse.900. Le nombre d’arbres et arbustes qui seront plantés sur le nouveau parking du complexe.64,2. En millions d’euros hors taxe, le coût du chantier de cette phase d’extension du stade Montpied.
Jean-Philippe Béal