Nombreuses sont les communes françaises à célébrer, cette année, les 80 ans de leur libération par l’envahisseur allemand, en 1944. Mais parmi elles, il en est une dont la délivrance fut à l’époque, et restera, hautement symbolique.Techniquement située en zone libre, Vichy était néanmoins, comme le reste de la zone sud, occupée militairement. Elle était surtout, tout comme son gouvernement, sous l’emprise des « pires collaborationnistes », comme les nomme Walter Stucki, ministre Suisse, qui relate la libération de la cité thermale et ses prémices dans son livre La fin du régime de Vichy.
La ville évite le pireDès le 6 juin, lorsque les Alliés débarquent en Normandie, un climat de tension s’empare de l’Hexagone. Selon le témoin suisse, cet événement suscite « l’espoir de la libération en même temps que la peur des sanctions, et la crainte des combats imminents. » L’évolution intérieure, et les combats qui s’ensuivent, provoquent ainsi une « tension extrême à Vichy. On sentait l’explosion prochaine. »
Vichy va célébrer les 80 ans de sa libération
Explosion, c’est le mot : pour transférer de force le Maréchal Pétain hors de Vichy, alors que celui-ci souhaite y maintenir coûte que coûte son gouvernement, l’État-major allemand autorise le 19 août un de ses généraux à bombarder la ville. Pourtant, l’officier le sait déjà : la guerre est désormais perdue pour l’Allemagne. Walter Stucki décrit dans son livre les manœuvres diplomatiques auxquelles il contribue, pour éviter le pire.
Le 20 août, le Maréchal cède : il est emmené par les Allemands, et le bombardement n’aura pas lieu. Les diplomates et officiers allemands quittent également la ville, la laissant gérée par la Gestapo et la milice.Liberation de Vichy a la fin de la seconde guerre mondiale, du 26 au 30 aout 1945, archives Fonds Etat Francais La foule massée devant l'hôtel des Ambassadeurs s'apprête à assister à une cérémonie au monument aux morts pour célébrer la libération de Vichy Compiegne, Pierre (1918-2006
Lundi 21 août 1944, les Forces Françaises de l’Intérieur (F.F.I) s’approchent de la ville, et font craindre, toujours plus, des affrontements sanglants entre la Résistance et la Gestapo, dont un fort détachement est encore présent. Walter Stucki explique également cette tension par le fait que « pendant des années la propagande par radio d’Alger, de Brazzaville et dans une certaine mesure, de Londres, avait monté à l’extrême l’opinion contre tout ce qui s’appelait Vichy ou en dépendait. »
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Il note d’ailleurs, lorsqu’il se déplace le lendemain au Mont-Dore, déjà libéré, pour négocier avec les F.F.I l’abandon de tout acte de vengeance à l’égard de Vichy, le contraste entre l’atmosphère joyeuse, victorieuse, qui règne dans la station thermale puydomoise, et celle, pesante, de la fin d’un régime agonisant, qui s’est installée chez son homologue bourbonnaise.Liberation de Vichy a la fin de la seconde guerre mondiale, du 26 au 30 aout 1945, archives Fonds Etat Francais Walter Stucki quitte Vichy et répond aux acclamations de la foule Compiegne, Pierre (1918-2006
Le 24 août au matin, la Gestapo et la Milice quittent Vichy, laissant derrière elles de nombreux pillages effectués la nuit précédente, mais également un soulagement général. Les F.F.I sont aux portes de la ville, mais restent encore cachées. Le soir même, une colonne importante de S.S pénètre dans la cité thermale. Les forces de l’ordre françaises sont quant à elles sur le point de passer au maquis. Émotion, confusion… Plus personne ne sait à quel saint se vouer, ni qui dirige encore la ville.
« Partout des ovations et des larmes de joie. »Samedi 26 août 1944, à 4 heures du matin, les voitures allemandes quittent la cité. « La rue présente un aspect indescriptible : des camions et des automobiles de toutes sortes, auxquels le carburant a manqué ou sont endommagés, d’innombrables caisses à munition et à ravitaillement, des milliers de cartes d’état-major, des ballots de chaussures et de bottes, etc. gisent ou se dressent dans le plus sauvage désordre. » Un groupe de soldats roumains, ayant jusqu’ici combattu dans les rangs allemands, et abattu dans la nuit suite au revirement politique de leur pays, complète le tableau.Liberation de Vichy a la fin de la seconde guerre mondiale, du 26 au 30 aout 1945, archives Fonds Etat Francais Destruction d'un blockhaus boulevard des Etats-Unis devant un bâtiment occupé par la police allemande de novembre 1942 à août 1944 Compiegne, Pierre (1918-2006Liberation de Vichy a la fin de la seconde guerre mondiale, du 26 au 30 aout 1945, archives Fonds Etat Francais La foule massée devant l'hôtel des Ambassadeurs s'apprête à assister à une cérémonie au monument aux morts pour célébrer la libération de Vichy Compiegne, Pierre (1918-2006)
Peu après 14 heures, et après avoir une dernière fois consulté le diplomate suisse quant au moment choisi, une centaine de membres des F.F.I font leur entrée dans la ville, « en ordre, heureux et fiers. La population leur fait un accueil indescriptible. Partout des ovations et des larmes de joie. Partout des drapeaux et des fleurs. Nous-mêmes, spectateurs étrangers, ne pouvons nous défendre d’une profonde émotion. Vichy est libéré ! »
Sandrine Gras