Il était un peu plus de treize heures… Le plein soleil de Douchy écrasait la couleur des bouquets de fleurs déposés toute la semaine devant le portail en fer forgé du domaine de La Brûlerie, la propriété du Loiret dans laquelle l’acteur Alain Delon, décédé dimanche dernier à 88 ans, a embrassé la vie pendant plus de cinquante ans.
Anthony et Alain-Fabien, pendant un instantChemise blanche, lunettes de soleil, Anthony Delon, accompagné d’Alain-Fabien Delon, chemise bleue, pantalon sombre, a longé le mur de la propriété, encadré de deux agents de sécurité, pour se diriger vers les dizaines de fans fidèles à l’interprète du Samouraï de Jean-Pierre Melville.
Dans les pas du fils aîné, une immense tristesse à quelques minutes des obsèques. Juste quelques mots. Des remerciements.
"De là-haut, il vous voit…", a-t-il lancé.
Applaudissements. Le cœur de certaines femmes déborde d’amour pour la famille Delon. "Vous êtes une très belle famille. Un exemple !", criait l’une d’elles à l’acteur. Karine s’est jetée sur Anthony. "Il m’a serré la main. Mon cœur a fait un bond. Je sens encore son parfum sur ma peau. Je venais de dire que mon rêve le plus fou était de voir Anthony Delon. Une heure plus tard, il était là…"
Il n’était pas question pour elle de ne pas dire adieu à Alain Delon. Comme d’ailleurs pour une centaine d’admirateurs. La stricte intimité familiale de la cérémonie, ils la comprenaient. "Savoir qu’il n’est pas loin de moi me fait quand même du bien", assure Myriam, originaire de Moselle.
Cette journée particulière, ses admirateurs l’ont vécue intensément. Entre attente, patience et espoirs. L’espoir d’apercevoir la quarantaine d’invités se diriger vers le portail du domaine. Pendant près de deux heures, ils ont scruté les voitures contrôlées par les gendarmes devant le portail principal.
Vitres teintés et invitésDeviner une silhouette ; observer les passagers sur la banquette arrière dissimulés par les vitres teintées. Qui la famille Delon avait-elle invité ? Cette question n’avait toujours pas toute sa réponse, hier soir. En tout cas, Paul Belmondo a débarqué au guidon d’un scooter ; Julien Dereims, le compagnon d’Anouchka Delon au volant d’une voiture immatriculée à Genève ; le producteur Alain Terzian a rejoint, également, le Loiret… "J’imaginais voir Brigitte Bardot ou Michel Drucker mais ils ne sont pas là", regrette une fan. "C’est presque un manque de respect."
D’autres invités ont contourné l’itinéraire principal pour rentrer dans la propriété. Exemples avec la ministre démissionnaire de la Culture Rachida Dati et la présidente de la région, Paris Île-de-France, Valérie Pécresse. Des noms ont filtré, mais la liste est restée secrète.
Le dernier monstre sacré du cinémaCela n’a pas empêché les hommages devant La Brûlerie, cela n’a pas gâché la journée. Les couronnes florales ont tapissé le sol. L’une avait été offerte par le centre pénitentiaire de Fresnes avec une inscription : "À la mémoire d’un gosse du domaine" . Une autre a été déposée par "Les Amis de Romy". Et beaucoup par des particuliers – venus d’Annemasse, Gueugnon et de toute la France –, avec des enveloppes accrochées à l’attention des enfants d’Alain Delon.
Hier, les larmes n’ont pas forcément coulé. Les souvenirs, eux, ont ressurgi en permanence.
Dominique, originaire de Douchy, s’est déplacée avec ses deux petits-enfants. "Anthony venait souvent au vide-greniers de la commune. Et Alain Delon, je le croisais au laboratoire lorsqu’il venait faire des examens."
"Delon, c’était le dernier monstre sacré du cinéma, concède Bruno. Il fallait être là pour le remercier. Il n’y en a plus des comme lui. Il n’a jamais eu de casseroles dans sa carrière comme ont pu en avoir d’autres acteurs."
Paroles, ParolesAlors, les signes d’admiration n’ont pas manqué. Pendant les funérailles à huis clos, une dizaine de personnes a chantonné Paroles, Paroles le duo avec Dalida de 1973. Une femme, cette fois en pleurs, a fait résonner de son portable des musiques de films de son acteur préféré… La famille et les proches, dans les bras de la propriété de Douchy, assistaient, à cet instant, à la cérémonie célébrée par Monseigneur Di Falco, l’aumônier des stars.
"On aurait voulu qu’ils installent des haut-parleurs pour suivre la cérémonie. Ils savent que l’on est là mais il n’y a rien…" Il était un peu plus de 17 heures lorsque le corps d’Alain Delon a été inhumé dans la chapelle de son domaine.
Le dernier soupir du samouraï.Nicolas Da Cunha