À l’issue d’une polémique où Sophia Aram a eu mille fois raison, il est difficile de résister à la tentation de sous-estimer l’adversaire, de le tourner en dérision. Il me semble que c’est ce que l’humoriste a fait en déclarant que « l’extrême gauche était totalitaire et stupide » (Le Point).
D’abord le totalitarisme peut être critiqué de mille manières mais il est rare que son support essentiel soit la bêtise. En général il sait ce qu’il fait même si les chemins qu’il emprunte sont calamiteux. Qualifier l’extrême gauche de « stupide » est l’ancrer dans un registre qui permettrait en principe de la combattre aisément. Alors qu’il suffit de constater l’aura persistante de LFI, malgré ses excès, ses outrances et son refus de nommer comme il convient les réalités meurtrières et terroristes, pour s’inquiéter de son succès durable dans l’espace politique. Rien, dans sa stratégie, n’est accompli par hasard. L’esprit collectif, largement inspiré et façonné par Jean-Luc Mélenchon, ne constitue pas LFI comme « stupide » mais comme dangereuse, entêtée et cohérente. Rien de ce qui est de nature à subvertir les bases de la démocratie classique et à bouleverser la vie parlementaire ne lui échappe.
J’ajoute, en me référant aux députés de LFI qui paraissent être principalement visés par Sophia Aram, que pour un Louis Boyard et un élu fiché S infiniment problématiques, il y a dans ce groupe des personnalités peut-être discutables mais dont aucune ne peut être traitée de « stupide ». Je dirais même que certaines sont redoutablement intelligentes et perverses au sens où elles parviennent à occulter leur nocivité derrière une apparence ostentatoirement désordonnée et perturbatrice.
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Enfin, je suis persuadé que LFI ne cesse d’être confortée dans ce qu’elle a de pire par l’opprobre constant sur le RN et le refus de placer au moins sur le même plan ces deux extrémités partisanes apparemment contradictoires. Sophia Aram, en qualifiant l’extrême gauche de « stupide », atténue sensiblement ce que le grief d’être totalitaire aurait pu avoir d’accablant. En la réduisant à une exclusive pauvreté intellectuelle et politique, elle banalise sa nuisance et le péril que LFI fait courir à une démocratie équilibrée. Rien ne doit faire plus plaisir à l’extrême gauche que d’être ainsi sous-estimée par un esprit habituellement lucide.
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