Les urgences d’« une cinquantaine d’hôpitaux » français « sont actuellement en tension » par manque de personnel, a affirmé mardi à Ouest-France le ministre délégué à la Santé démissionnaire, Frédéric Valletoux, sans préciser combien avaient dû fermer totalement ou partiellement. « C’est un peu mieux que l’été dernier et en tout cas, les tensions ne sont pas aussi fortes qu’au cours de celui de 2022 », a-t-il ajouté.
« Une fois de plus, le ministère minimise l’impact des difficultés estivales sur le service des urgences, conteste le Dr Marc Noizet, président du syndicat Samu-Urgences de France. C’est une communication à laquelle nous sommes habitués. Tous les ans, c’est la même chose. Sur le terrain, rien n’a changé, la dégradation est même marquée sur un certain nombre de sites. »
Situation « au moins égale, voire pire » qu’en 2023Le représentant syndical ne veut « pas jouer la guerre des chiffres » avec le ministre mais, selon lui, l’enquête interne lancée mardi, le jour des déclarations de Frédéric Valletoux, et qui sera publiée mi-septembre, montrera que la situation est « au moins égale, voire pire » que celle de l’été 2023, où « un service sur deux », soit près de 350, avait rencontré des difficultés de fonctionnement.
Sur France Inter, le président de la Fédération hospitalière de France (FHF), Arnaud Robinet, a lui fait état d’une « situation très contrastée et hétérogène » sur le territoire. « Si on lit la presse des trois dernières semaines, on se rend compte que les fermetures perlées affectent toutes les régions », répond Marc Noizet, à l’exception de l’Île-de-France et dans quelques lieux accueillant les Jeux olympiques. « Sans doute, certains services s’en sortent un peu mieux et tant mieux, ajoute-t-il. Car il serait temps de penser à autre chose qu’à nos difficultés de fonctionnement. Nos métiers sont suffisamment compliqués pour qu’on puisse les exercer de manière paisible, ce qui n’est pas le cas. »
Recrutement : le casse-têteL’été, août en particulier, aggrave plus encore les tensions du fait des vacances, bien méritées, pour une partie du personnel et de l’afflux touristique dans certains coins.
Avant, on arrivait à mobiliser des médecins qui acceptaient de venir travailler deux mois dans ces endroits-là. Aujourd’hui, on ne les trouve plus ces médecins. Cela veut dire que ces endroits où l’activité est multipliée par deux, voire par trois, on n’a pas plus de ressources pour les gérer.
Toujours dans Ouest France, Frédéric Valletoux a pourtant affirmé qu’il était « plus facile de recruter durant cet été », laissant entendre que la revalorisation salariale - des gardes de nuit et des week-ends - avait « porté ses fruits ».« C’est faux, rétorque le médecin urgentiste. Cette revalorisation date de deux ans déjà, elle est stable. Pourquoi cet été permettrait-elle de mieux recruter ? Non, il n’y a pas eu de coup de pouce supplémentaire qui fasse que, tout d’un coup, les gens acceptent de venir renforcer les services en juillet et en août. »
Patients : pas assez de filtreMais, au-delà, la question est de savoir si les urgences peuvent continuer à répondre à tout et à n’importe quoi ? « Patients inquiets qui n’ont pas pu joindre leur médecin traitant, personnes âgées, qui n’ont pas de solution d’aide à domicile, ou de place en Ehpad…, on consacre un temps fou à régler des situations qui ne relèvent pas de nos compétences, je ne parle même pas de la bobologie. En France, on a toujours accepté aux urgences tout ce qui se présentait. À aucun moment on ne s’est dit, ce n’est plus notre boulot, ce n’est pas à nous de le faire. Un cardiologue, vous ne lui faites pas entrer une gastro-entérite dans son service. De fait, notre spécialité n’est pas adaptée pour gérer des problématiques médico-sociales d’un patient qui ne peut plus rester chez lui. »
Pour Marc Noizet, « le moment est venu que chacun prenne à sa charge le champ de spécialité qui est le sien. »
On est dans un système de santé désormais contraint par la ressource, qui est devenue rare. On ne peut plus le laisser en libre accès comme un bien de consommation courante. Il va falloir forcément réguler les accès et organiser les filières.
La régulation, ça marche !Ainsi, l’urgentiste salue la « vraie avancée » que constituent les mesures de régulation : pas d’accès aux urgences sans appel préalable du 15, qui dirige le patient vers la prise en charge médicale adaptée, le bon parcours de soins.
« Dans les départements où cette régulation a été mise en place, l’activité des urgences a diminué de 15 % à 20 %. Ce que nous demandons, c’est d’aller vers une généralisation. Comme cela existe dans les pays du nord de l’Europe, par exemple le Danemark, où vous ne pouvez pas consulter sans être passé par une plateforme de régulation. Le premier effet est d’ordre pédagogique – on a quand même des patients qui consultent plus d’une centaine de fois par an dans nos services d’urgence. Et, deuxièmement, cela permet de sanctuariser une offre devenue fragile car on n’a plus les moyens de la faire fonctionner normalement. En diminuant la pression, on en améliore le fonctionnement. »