Meta et Google pris par la patrouille. L’accord publicitaire passé entre les deux géants américains contrevient aux règles que le moteur de recherche a lui-même édictées. Google a établi l’irrégularité de "la personnalisation et le ciblage de publicités pour les moins de 18 ans", relève le journal britannique du Financial Times, dans une enquête publiée ce jeudi 8 août. Or, la campagne Instagram a délibérément ciblé un groupe d’utilisateurs dénommé "inconnu", dont Google savait qu’il était orienté vers des mineurs, ont rapporté les sources du média britannique.
Mark Zuckerberg, face à la concurrence du réseau social chinois TikTok, cherchait de la visibilité pour Instagram - dans son giron depuis 2012. L’enjeu, autour de l’engagement sur les plateformes du fondateur de Facebook, se mesure par les efforts faits pour rassurer les investisseurs. Début août, il leur déclarait que "les efforts déployés récemment pour attirer davantage de jeunes de 18 à 29 ans avaient porté leurs fruits", selon le Financial Times. De son côté, Google - en quête de revenus publicitaires - pouvait offrir à Meta la visibilité qu’elle recherche via sa plateforme vidéo YouTube. Les affaires sont les affaires et jusque-là pas grand-chose d’anormal.
Mais, le grand rival chinois de Meta fait une razzia chez les mineurs poussant le père fondateur des réseaux sociaux a volontairement ciblé cette tranche d’âge dans sa campagne publicitaire. FT - comme il est appelé outre-Manche - a eu accès à de nombreux documents prouvant que "des mesures ont été prises pour dissimuler la véritable intention de la campagne". L’annonce fait tache quand l’on se remémore la sortie de Mark Zuckerberg au Congrès, en janvier dernier. Il y avait présenté ses excuses "aux familles d’enfants victimes d’exploitation et d’abus sexuels" sur ses plateformes.
Pour mener à bien leur projet, les habituels rivaux ont fait appel à Spark Foundry, une filiale américaine du géant français Publicis - spécialisé dans la publicité. "Un programme marketing pilote a été lancé au Canada entre février et avril de cette année", selon les informations du Financial Times. Satisfaits par "l’apparent succès", ils ont poursuivi l’expérimentation aux Etats-Unis, au mois de mai. "Les entreprises avaient prévu de l’étendre à d’autres marchés internationaux. La promotion d’autres applications du groupe Meta était aussi planifiée", précise les sources contactées par le FT. Le projet s’est interrompu en raison de l’enquête menée.
Google s’est défendu de toutes irrégularités rappelant sa politique de protection à l’égard des mineurs, assurant "qu’aucun utilisateur de YouTube, connu pour être âgé de moins de 18 ans n’a été directement ciblé". Pourtant, un e-mail consulté par le FT, fait état d’une demande à Google, émise par un responsable de la publicité chez Spark Foundry. Il exige du moteur de recherche, une présentation du projet et identifie comme "principal" groupe démographique à cibler, les "13 à 17 ans", avant d’exiger que ce dernier soit mesuré par des données collectées directement auprès des utilisateurs de la plateforme - ici YouTube.
Pour éviter une transgression claire, une source a confié au FT que le recours au ciblage du groupe était connu sous la dénomination "inconnu". Le géant d’Internet n’a d’ailleurs pas nié viser ce groupement de personnes. Sur son site web, Google indique que le groupe "inconnu" désigne "les utilisateurs dont nous n’avons pas identifié l’âge, le sexe, le statut parental ou le revenu du ménage". Mais, le groupe avait à disposition des "milliers [d’autres] données", de la localisation des utilisateurs via les antennes-relais à leurs téléchargements d’applications et à leurs activités en ligne. Ce qui a permis de déterminer avec un degré de confiance élevé que le groupe "inconnu" comprenait de nombreux jeunes utilisateurs, en particulier des moins de 18 ans.
De son côté, Meta assure qu’elle n’est pas d’accord avec le fait que le ciblage de l’audience dite "inconnue" constitue "une personnalisation ou un contournement des règles". Quant à la question que lui a posée le FT, lui demandant si le personnel savait que l’audience du groupe "inconnu" était composée d’utilisateurs plus jeunes, l’entreprise n’a pas souhaité répondre.