Quel aimant attire le monde à Charroux ? Le label Plus Beaux villages de France obtenu en 1987 et restant depuis cette date unique dans le département de l’Allier ? Possiblement, mais l’attrait exercé par le village avec ses deux cent mille visiteurs, estimés à l’année par la Maison du tourisme locale, ne peut s’expliquer par ce seul sceau, bien qu’il soit de marque.
Sous la pierre angulaire façonnée par la labellisation, des habitants, des artistes et des artisans aux savoir-faire reconnus, – comme la moutarderie, les Bougies ou la confiturerie –, bâtissent la renommée de l’ancienne cité fortifiée qui s’évertue à ne pas devenir un village-musée.
ArtisanatQuelle que soit la saison, le visiteur peut flâner dans ce bourg du val de Sioule aux rues jalonnées de boutiques, de galeries, d’ateliers et de restaurants. Et on s’y installe, encore, en 2024. Au printemps et voilà quelques semaines, de nouveaux professionnels ont créé ou transféré leur activité à Charroux.
Abat-jouriste, Sandra Le Guillard a déplacé son atelier Le Petit monde d’Huguette au mois de juin, après deux ans passés à Vichy à 30 km de là. Dans sa balance, une conjonction de facteurs a pesé de tout son poids : « J’arrivais au terme de mon bail et le local, qui se trouvait dans le vieux Vichy, était petit. On manquait de visibilité et il y avait aussi des travaux en ville, puis à l’église Saint-Blaise. »
De passage à Charroux, elle trouve un local à louer juste à côté de la boutique de la tapissière.
« Cela permet de créer une synergie intéressante et cela a un véritable sens de s’installer dans un village qui promeut l’artisanat d’art. J’avais ma place ici et je me sens intégrée. Les artisans se rejoignent sur les problématiques qu’ils peuvent rencontrer. »
À quelques encablures, le Barapotin se mue en crêperie. Les nouveaux gérants, un couple en reconversion professionnelle après avoir travaillé à l’étranger, espèrent attirer une clientèle cosmopolite, qu’elle soit saisonnière ou résidente dans les environs. « J’avais visité Charroux avec mon père, explique Agnès Labonne. Il y a une douceur de vivre dans le village et on n’est pas loin de Clermont et de ma famille, pour une fois. »
Comptant environ 350 habitants à l’année, Charroux voit sa population croître durant la belle saison, les week-ends et lors des animations qui émaillent son calendrier.
« Il y a une centaine de résidences secondaires à Charroux. Les habitations sont ouvertes régulièrement, pendant les vacances scolaires, et les résidents secondaires reviennent pour les rendez-vous comme la Rencontre Artistes-Artisans, la Fête de la soupe et le marché de Noël. Ils s’impliquent dans les manifestations. »
Ancien castrum gallo-romain puis ville franche à partir de 1245 ce qui lui confère des privilèges sur décision du sire de Bourbon, Charroux était ceinturée de deux enceintes avec plusieurs portes et tours, et comptait parmi les places fortes du Bourbonnais avec son four banal, son tribunal, son couvent…
De ce lointain passé, la commune conserve la Porte de l’Horloge et la Porte d’Orient, l’église Saint-Jean-Baptiste, classée monuments historique et reconnaissable à son clocher tronqué, une maison à colombages construite au XIVe siècle et un dédale de rues invitant à la promenade.
DéambulationIl faut d’ailleurs oser s’aventurer dans les artères étroites, afin de sortir des sentiers battus et apprécier l’ensemble du patrimoine : les voies pavées, la cour des Dames, place centrale de Charroux où la population se réunissait, les maisons anciennes flanquées de puits, les façades sculptées.
La musardise mène les visiteurs dans la rue de la Poulaillerie et devant le Musée de Charroux et de son canton. Tous les passants ne franchissent pas le seuil de l’établissement. Pourtant, ce musée, créé en 1982, présente, dans deux bâtiments et quatorze salles d’exposition, l’histoire de la cité. S’y entremêlent objets, outils ayant appartenu à d’anciens artisans, maquettes, sculptures, photographies et bien d’autres documents. Un patrimoine que les Charlois ont eux-mêmes collecté et donné au musée, afin que le village soit aussi tourné vers l’avenir.
Texte Estelle DissayPhotos François-Xavier Gutton