Elle est celle qui donne des cauchemars à Guillaume Musso. Pendant une décennie, ce dernier a dominé le classement de référence des meilleures ventes de livres en France, établi par nos confrères du Figaro. Il a récemment cédé sa première place à Mélissa Da Costa, qui a écoulé 1,3 million d’exemplaires en 2023 (grands formats et poches cumulés).
Pour fêter ça, elle publie son nouveau roman ce 14 août, au premier office de la rentrée littéraire. On peut trouver cette programmation étrange. La rentrée est le moment de la littérature dite exigeante, et on voit mal Mélissa Da Costa faire la couverture des Inrockuptibles ou être retenue par les snobissimes jurés du prix Médicis. Mais justement : ce choix culotté, qui expose la romancière aux regards, est l’occasion de désamorcer les moqueries faciles.
Tenir debout* raconte l’histoire d’un quadra, François, qui va enfin quitter sa femme légitime pour s’installer avec sa maîtresse quand le destin en décide autrement. Alors qu’il rentre chez lui en scooter, il est percuté par un bus. A l’hôpital, le verdict le foudroie : il restera paraplégique. Sa maîtresse va-t-elle le quitter, ne se sentant pas de taille à affronter cette épreuve ? Ou arriveront-ils à y faire face ensemble ? C’est parti pour 600 pages. Lâchons le mot-clef : c’est un roman de résilience, comme beaucoup de choses qui se publient ces temps-ci – on se souvient qu’en 2020, Agnès Martin-Lugand avait osé appeler un livre Nos résiliences, ajoutant un "nos" inclusif à ce totem de l’époque.
Dieu merci, Mélissa Da Costa ne fait pas du développement personnel déguisé, contrairement à la nullissime Raphaëlle Giordano. Quand des Virginie Grimaldi prennent leurs lecteurs pour des idiots, elle construit une œuvre moins nunuche. Si les admirateurs de Stendhal peineront à être embarqués par son style, elle est plus honnête et plus sombre que ses consœurs à succès. En 2022, elle n’avait pas eu peur de choquer son lectorat avec La Doublure, descente aux enfers qui avait décontenancé beaucoup de ses fans. N’en déplaise à ses détracteurs qui la descendront sans la lire, Mélissa Da Costa vaut mieux que nombre d’impostures pseudo-chics de cette rentrée.
*Tenir debout, par Mélissa Da Costa. Albin Michel, 600 p., 22,90 €.
