J’ai lu beaucoup de nouvelles, au premier rang desquelles celles de Stefan Zweig (je renvoie de nouveau à la série d’été 2017). Malheureusement, il ne me reste que quelques vestiges de notes écrites rapidement pour certaines d’entre elles, que voici.
Deux nouvelles qui m’ont marqué, en leur temps, et ont sans doute contribué à forger mon caractère (des lectures, on ne se souvient plus forcément, mais de ce qu’elles nous imprègnent, je crois qu’il en reste quelque chose, de même qu’on ne se souvient plus de sa petite enfance mais qu’il en reste l’essentiel, notre confiance en la vie, notre équilibre profond, notre personnalité).
Je repense, en effet, de temps en temps à La mort d’Ivan Ilitch, l’atmosphère terrible d’hypocrisie et de lâcheté, pour ne pas dire de bassesse des hommes de l’entourage du défunt, qui voient en sa mort leur propre fin qu’ils redoutent et se refusent à voir en face, mais en attendant surtout, pensent tout de suite au parti à prendre de la situation, les promotions à attendre ou autres considérations bien peu glorieuses… Affreux et désolant. Misérable. Une vision sinistre des rapports humains (même si le défunt lui-même ne valait pas mieux, loin de là…).
Le tout servi par un style franc, direct, presque acerbe, reposant sur une fine analyse sans concession de la psychologie humaine.
De quoi vous inspirer le dégoût et rejeter ce type d’attitude. C’est à cela que sert aussi le roman, et c’est en cela que j’affirme qu’il peut contribuer à forger le caractère.
Une nouvelle qui m’est venue en tête à plusieurs reprises (l’affaiblissement puis la mort du président Mitterrand, la mort de la star Michaël Jackson, plus récemment d’autres stars françaises), donnant lieu à des déchirements indécents entre héritiers potentiels.
Maître et serviteur, quant à lui, narre le trajet mouvementé d’un homme riche et probablement excessivement matérialiste qui, pris dans une tempête de neige et s’étant égaré, et alors que son cheval s’est échappé, va connaître une sorte de rédemption le conduisant, au cours d’une situation qui semble perdue et par un sursaut inédit, à inverser en quelque sorte les rôles et sauver son serviteur, au péril de sa vie. Avec là encore, une grande leçon de vie et de morale profonde.
Après La sonate à Kreutzer, qui m’avait révélé Tolstoï, mais dont je n’ai hélas pas gardé trace, ce recueil constitue un bon support de réflexion sur la vie, sur la mort, sur le sens de la dignité et de l’altérité.
— Léon Tolstoï, La mort d’Ivan Illitch – Maître et serviteur, Stock, 222 pages.
L’humain et sa terrible condition. Qu’il soit question de hasard de la naissance, de difficultés financières, de tristesse, de misère, d’envie, de prétention, de méchanceté ou au contraire d’attitudes plus volontaires, on échappe difficilement à sa condition. Et y prétendre est s’exposer à éprouver des déceptions, de vives désillusions, voire des catastrophes.
Ces cinq nouvelles courtes, bien dans l’esprit et la condition du XIXe siècle, ont toutes en commun une issue bien cruelle. Aux maigres espoirs d’améliorer sa condition répond une chute brutale, qui plonge ces personnages dans la stupeur ou un état d’ingratitude qui les rattrape.
Cinq nouvelles réalistes, servies par le talent de Guy de Maupassant, qui peuvent permettre de réfléchir à sa propre condition, et de tenter de l’aborder peut-être avec plus d’humilité et de recul, voire à mieux dominer ses passions, en adoptant un regard plus positif et volontaire sur sa vie et sur son temps.
— Guy de Maupassant, La parure et autres contes cruels, Folio Junior, 96 pages.
Les nouvelles sont également ici au nombre de cinq. Écrites à des époques différentes, s’étalant de 1919 à 1940. Ce qui les réunit est l’intérêt porté à des personnes de milieux divers dans des circonstances de leur vie tout à fait diverses, allant d’une soirée bien particulière à toute une vie (celle d’un boxeur, pour la deuxième nouvelle), dans un cadre qui n’est plus celui d’aujourd’hui. Une époque différente, néanmoins avec la constante de la psychologie humaine, mais sous l’influence de mentalités différentes de celles d’aujourd’hui.
Les nouvelles se lisent bien. Le style est relativement brut, pas désagréable. Chacune est plutôt assez captivante. Pour autant, elles ne sont pas non plus transcendantes ou profondément marquantes. Juste de quoi passer un bon moment, sans plus.
— Bertolt Brecht, Nouvelles, Pocket, 192 pages.
Quatre nouvelles courtes d’un auteur que je ne connaissais pas. Nous sommes ici dans le registre de l’étrange, tout en étant a priori dans le monde du quotidien, la frontière entre les deux étant relativement ténue.
Le style n’est pas désagréable, plutôt même clair et simple, et à la fois assez vif, évitant l’ennui au lecteur. Cependant, je n’ai pas été particulièrement convaincu par ces nouvelles. Pas désagréables, sans plus. Pas vraiment marquantes.
Un auteur que j’espère avoir l’occasion de relire un jour malgré tout, car je ne serais pas surpris que certains de ses écrits soient meilleurs que ceux-ci, notamment des écrits plus longs (romans).
— Julio Cortázar, La porte condamnée et autres nouvelles fantastiques, Folio, 112 pages.
Ces nouvelles sont de nature et d’intensité diverses. Elles ont cependant pour point commun de mettre au centre des personnages pour la plupart tourmentés. Que la cause soit extérieure, ou que cela tienne à leur nature, nous observons leurs agissements, leur part de mystère, parfois leurs contradictions. La tension est toujours présente, le lecteur tenu en haleine, la narration fluide. Quelques plongées dans le passé permettent de se remémorer et de ressentir les lieux et états d’esprit d’une autre époque que la nôtre.
Des nouvelles dans l’ensemble assez plaisantes, qui se lisent facilement. De quoi se distraire agréablement en découvrant ou redécouvrant un auteur réputé talentueux.
— Isaac Bashevis Singer, Les aventures d’un idéaliste et autres nouvelles inédites, J’ai lu, 256 pages.
Marcel Aymé était un écrivain plein d’imagination et prompt à nous emmener dans toutes sortes d’imaginaires non dénués d’un certain humour, mais aussi empreints de réalité.
C’est le cas avec cette série de nouvelles ayant pour point commun amusant d’avoir pour la plupart d’entre elles un personnage principal prénommé Martin, sans que ces différents Martin ne soient jamais le même. Enfant, adulte, ou de condition sociale différente, ils viennent d’horizons divers.
Ancrées dans un quotidien tout à fait ordinaire, les situations basculent pour la plupart sans crier gare et sans qu’on en soit pour autant si surpris, dans un imaginaire aux facettes souvent drôles, parfois un peu saugrenues, toujours cocasses.
Elles ont peut-être pu inspirer un certain nombre de créations. Tantôt on pense à des situations du type La Quatrième dimension, tantôt au théâtre (Six personnages en quête d’auteur, de Pirandello, par exemple), voire à la BD (Ces jours qui disparaissent de Timothé Le Boucher) ou bien d’autres choses encore.
Pour autant, dans la préface, Marcel Aymé se défend lui-même de chercher à fonder une école de réalisme imaginaire. Préférant considérer ce qui est juste et humain plutôt que de conduire le lecteur à chercher le fantastique dans ses créations, qui se veulent avant tout réalistes.
Le volume est composé de neuf nouvelles, représentatives de l’univers et du style de Marcel Aymé. Elles se lisent facilement et avec une certaine légèreté.
— Marcel Aymé, Derrière chez Martin, Folio, octobre 2018, 208 pages.
Autant j’avais été très touché par Ma vie de courgette, autant ici la magie n’a pas vraiment opéré. Peut-être la succession lancinante de malheurs liés à l’enfance et l’accumulation qu’elle entraîne a-t-elle provoqué, chez moi, comme un effet de lassitude. Mais je ne crois pas qu’il s’agisse de cela. C’est plutôt le style, la froideur parfois des situations, voire dans certains cas leur brutalité, qui m’ont sans doute refroidi.
Chacune de ces nouvelles est centrée sur l’un des malheurs qui peuvent dans certains cas être liés à l’enfance : la disparition d’un être cher, qu’il s’agisse d’un père, d’une mère, d’un frère ou une sœur, ou encore du manque d’amour de la part de l’un d’entre eux, ou encore d’une situation de handicap ou de tout autre chose. Avec pour point commun d’entraîner des maux, des souffrances, des incompréhensions.
Les histoires sont inégales, parfois trop courtes ou manquant de sentiment. La langue est plutôt belle, même si elle ne fait pas toujours suffisamment passer les émotions. Un sentiment général de tristesse et d’amertume. Pas très gai.
Un ensemble, donc, à la fois homogène et hétéroclite. Une impression globale un peu mitigée. Mais un recueil au thème intéressant. Et un auteur malgré tout à suivre.
— Gilles Paris, La lumière est à moi et autres nouvelles, Gallimard, août 1973, 176 pages.
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