On me pardonnera ce titre un peu facile pour rendre hommage au journaliste Nelson Monfort qui a décidé de se retirer, de ne plus faire partie de notre vie médiatique, de notre existence tout court. Je ne suis pas le premier et je ne serai pas le dernier à me livrer à cet exercice mais il se trouve que j’ai eu la chance, dans sa sphère professionnelle largement entendue, de pouvoir connaître et apprécier Nelson Monfort. Au-delà de ses prestations devenues mythiques dans le tennis ou le patinage artistique. Je devine trop ce qu’une approche paresseuse de cette personnalité exceptionnelle pourrait susciter comme compliments, estime, reconnaissance mais avec le risque d’une pointe de dérision, une sorte d’affectueuse moquerie comme si, faute de pouvoir atteindre le niveau de celui qui est devenu une véritable légende dans un monde trop habitué pourtant aux platitudes, il convenait de subtilement le rabaisser. Parce que, malgré les apparences, Nelson Monfort n’appartient pas, par sa culture, son intelligence, sa tenue, sa finesse et sa politesse, au monde médiatique tel qu’on se plaît à le célébrer entre hyperboles et copinages. Il y a toujours eu quelque chose, précisément à cause de ces qualités, qui a résisté chez lui à cet embrigadement, à ce grégarisme. Sa singularité a fait pièce à tous les conformismes. Et ils sont nombreux.
Jamais il n’est tombé dans l’esprit partisan en éprouvant le besoin de s’exprimer sur un mode péremptoire à propos d’un sujet politique sur lequel il ne connaissait rien. Il n’a jamais succombé à la pétitionnite aiguë. Son goût de la langue française lui a évité de la massacrer. Questionnant ses invités, épuisés après un match ou dans des circonstances plus tranquilles, il n’a jamais eu pour but de les déstabiliser, de les mettre mal à l’aise. Au contraire, avec sa pertinente urbanité, il a satisfait sa curiosité en même temps qu’il a répondu à nos attentes.
Si j’avais à résumer mon sentiment sur lui, dans toutes les facettes où son expression nous a été offerte – je me souviens notamment des entretiens entre sérieux et sourires dont il nous a gratifiés sur Sud Radio, sa culture sportive encyclopédique laissant souvent place à des considérations relevant d’une impressionnante culture générale -, son absence de vulgarité m’est apparue comme sa marque distinctive.
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Mais ce doux savait avoir la dent dure, son amabilité n’était jamais convention ou routine mais le souci d’une forme l’autorisant alors à toutes les pugnacités sur le fond, aussi voilées fussent-elles. Derrière le Nelson Monfort que nous étions habitués à voir avec cette gaieté mozartienne relevant de l’art de vivre, je suis persuadé qu’il existait un jugement sûr, voire sévère, un pessimisme lucide, une sorte d’aristocratique exigence l’incitant d’abord à donner le meilleur de lui-même avant de tout attendre des autres. Nelson Monfort est un homme qui va évidemment manquer. Mon faible pour lui résulte de cette fraternité rare : celle que créent les mêmes valeurs plutôt que les causes partisanes.
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