« La plus grande compétition des Jeux de Paris ne fait pas concourir des athlètes », mais des sites qui « se battent pour se voler à tour de rôle la vedette », dans le plus relevé des « concours de beauté ». Comme Jerry Brewer, le 30 juillet, dans le journal en ligne du Washington Post, la presse du monde entier est sous le charme. Cet émerveillement, aussi incroyable que cela paraisse, est même partagé par la presse française?!
« Ce succès, note le sémiologue François Jost, prend à rebours une idéologie du déclin qui fait, entre autres, le lit du Rassemblement national. De surcroît, cette mise en majesté de la France et de sa capitale sous une profusion d’images sportives s’accompagne de la réussite des athlètes tricolores avec, avant même les dernières épreuves, le record de médailles établi à Pékin, en 2008, d’ores et déjà battu. »
Si, après une cérémonie d’ouverture haute en couleurs et en sons, cette pluie de médailles finit de balayer les derniers doutes, prolongés par la dissolution de l’Assemblée nationale, quant à la capacité d’organisation du pays hôte, elle n’efface pas les désordres passés et leur répression, de la crise des Gilets jaunes aux émeutes du début de l’été dernier : « Cette profusion d’images, qui donnent à voir tout à la fois la réussite d’une organisation et un cadre de vie somptueux, renforce auprès de la presse étrangère et des touristes l’idée d’un peuple de râleurs qui vit pourtant dans un pays extraordinaire?; ce que dit bien le dicton “Heureux comme Dieu en France”, longtemps et encore répandu en Europe. L’écrivain allemand Friedrich Sieburg l’a repris, en 1930, pour en faire le titre d’un de ses livres idéalisant la société française. »
Comme une médaille« Ce n’est sans doute pas un hasard, poursuit le sémiologue, si des diffuseurs ont reprogrammé le film “Amélie Poulain”… Les images apaisées des Jeux ne rompent pas avec celles de Français très contestataires. À l’étranger, les unes et les autres sont la France. » Un peu comme l’avers et le revers d’une médaille…
Seule, finalement et dans l’immédiat, la Seine aura entretenu le trouble. Sinon, la capitale et alentour ont apporté leurs pierres à ce flamboyant succès. Où, en effet, trouver plus beaux écrins à médailles que l’Arc de Triomphe, l’obélisque de la Concorde, l’esplanade des Invalides, le Champs de Mars, au pied de la tour Eiffel, et les jardins bien ordonnés du château de Versailles, sans oublier le Grand Palais, imposante et élégante masse de fer, d’acier et de verre, bâtie pour l’Exposition universelle de 1900, à laquelle l’escrime a offert une autre manière de croiser le fer??
Les épreuves de triathlon, de marche et de cyclisme sont, pour leur part, autant de visites guidées des rues et des voies sur berge de la capitale. « La montée de la rue Lepic, l’une des plus renommées de la butte Montmartre, et plus largement les courses cyclistes se sont pas, par la liesse populaire qui les a accompagnées, sans évoquer les routes du Tour de France, s’enthousiasme François Jost. Jamais, me semble-t-il, le lien entre une ville et les épreuves de Jeux olympiques n’a été aussi fort. Paris a vraiment placé la barre très haut. »
Los Angeles (États-Unis) et Brisbane (Australie) qui accueilleront respectivement les Jeux Olympiques en 2028 et 2032 sont prévenues : ce sera difficile de faire aussi bien, a fortiori de faire mieux?!
Football : une course de fonds aux meilleurs joueurs
Les 23 millions de téléspectateurs qui, en France, ont regardé la cérémonie d’ouverture et poursuivi sur leur lancée ou passé le relais à d’autres n’imaginent sans doute pas la France battue de sitôt…
Jérôme Pilleyre
Lire. François Jost, Est-ce que tu mèmes?? De la parodie à la pandémie numérique, CNRS Éditions, 2022, 22 euros, et L’Opinion qui ne dit pas son nom. Du pluralisme des médias en démocratie, Tracts (n° 57), Gallimard, 2024, 3,90 euros.