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Jaloux de son aîné, qu’il détestait, « le roi sans royaume ne faisait rien sans raison, ni sans calcul ». C’est sous ces traits cruels que l’historien Matthieu Mensch décrit le comte de Provence, futur monarque de la Restauration, au seuil de l’ouvrage qu’il consacre aux Femmes de Louis XVIII – c’en est le titre. À Louis XVI, le cadet de la dynastie Bourbon enviait aussi son Autrichienne, dont il pensait que lui-même l’aurait mérité davantage : « la haine de Monsieur envers son infortunée belle-sœur avait fini par devenir de notoriété publique », au point que sur le tard, il cherchera à se dédouaner. Instrumentant la mémoire de la reine martyre, il fera même construire, en 1826, une chapelle expiatoire : « Marie-Antoinette semble correspondre parfaitement à la vision cynique de Louis XVIII, pour qui les femmes n’étaient que des outils politiques ou de simples faire-valoir ». Quel garçon sympathique…
Dévoré de pathologies, le premier monarque de la Restauration, barbon impotent peu porté sur le sexe se choisit comme amie de cœur et dernière compagne une femme de bonne naissance, Zoé Victoire Talon. La demoiselle a été éduquée par Mme Campan, l’ancienne femme de chambre de Marie-Antoinette, fondatrice de l’Institution nationale de Saint-Germain : un collège fort prisé des nouvelles élites. Orpheline de sa mère à 15 ans, fille d’exilé, Zoé se voit pourvue d’une dot considérable : son père la marie en 1802 avec Achille du Cayla – noblesse désargentée, mais nimbée du prestige de l’ancienneté. Tôt séparée de corps d’un mari avide et colérique (il s’ensuivra un interminable procès), Zoé, fêtarde et spirituelle, est appréciée de la vieille aristocratie. En 1811, mise en cloque par son amant le duc de Rovigo dont elle aura un fils, Ugolin, elle hérite de l’immense fortune de son géniteur. Viscéralement attachée aux usages de l’ancienne aristocratie, elle s’intègre, sitôt la Restauration, à la noblesse légitimiste. À 32 ans, elle se lie au roi qui en a 60, faveur qui durera plus de sept années. C’est un Louis XVIII par ailleurs entiché de son ministre, le « jeune et bel Elie Decazes », qui la couvre de cadeaux. « La légende du vieux monarque lubrique et à moitié sénile, manipulé par une intrigante » se perpétue, « la caricature se chargeant ensuite de la fixer pour la postérité ». Au zénith de sa faveur, en 1821, Zoé Talon reçoit en cadeau le château de Saint-Ouen, construit pour elle par l’architecte Huvé dans un style néo-palladien, et somptueusement décoré sur la cassette personnelle du roi. Acquise aux ultras, la Cayla, désormais très sollicitée par les courtisans, tient salon et devient « une figure incontournable de la capitale ». Quoiqu’affectée par la mort de Louis XVIII en 1824, elle aura veillé jusqu’au bout sur ses propres intérêts, au reste confortés par Charles X qui la pensionne généreusement ensuite. Ugolin, le fils, meurt en 1828. Indéfectiblement fidèle aux Bourbons au-delà de la révolution de Juillet, elle se voit privée de ses émoluments par Louis-Philippe. Brouillée avec sa fille, elle s’arrange pour léguer les biens qui lui restent directement à son petit-fils. La comtesse du Cayla s’éteint en 1852, à l’âge de 67 ans, dans son appartement parisien de la rue Saint-Dominique.
La semaine prochaine: Dernier épisode : La Femme, instrument mais contre-pouvoir
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