L'Algérie a décidé mardi de retirer "avec effet immédiat" son ambassadeur à Paris pour protester contre l'annonce d'un soutien renforcé de la France au plan d'autonomie marocain pour le Sahara occidental, théâtre d'un conflit vieux de près de 50 ans avec les indépendantistes du Polisario, soutenus par Alger.
"La représentation diplomatique algérienne en France est désormais du ressort d'un chargé d'affaires", a indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué, dénonçant un "pas qu'aucun autre gouvernement français avant lui n'avait cru devoir franchir".
Dans une lettre au roi Mohammed VI rendue publique mardi par Rabat, le président français Emmanuel Macron affirme que le plan marocain "constitue désormais la seule base pour aboutir à une solution politique juste, durable et négociée conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies".
Sans reconnaître expressément la "marocanité" du Sahara occidental, M. Macron ajoute considérer que "le présent et l'avenir du Sahara occidental s'inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine".
En adoptant cette position, la France "bafoue la légalité internationale, prend fait et cause pour la négation du droit du peuple sahraoui à l'autodétermination et se démarque de tous les efforts patients et persévérants déployés par les Nations Unies", a réagi Alger.
Le Polisario a fustigé dans cette inflexion française un soutien "à l'occupation violente et illégale" du Sahara occidental.
Le geste de Paris était attendu par le Maroc, pour qui cette question est une "cause nationale" et dont les relations avec la France s'étaient fortement refroidies ces dernières années.
"Cette annonce de la République française, membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, constitue une évolution importante et significative en soutien à la souveraineté marocaine sur le Sahara", a salué le Cabinet royal dans un communiqué.
Le Sahara occidental, ancienne colonie espagnole, est contrôlé de facto en majeure partie par le Maroc qui propose un plan d'autonomie sous sa souveraineté. Mais il est revendiqué depuis 1975 et le départ des Espagnols par les indépendantistes sahraouis du Front Polisario qui réclament un référendum d'autodétermination, prévu lors d'un cessez-le-feu en 1991, jamais organisé.
L'ONU considère le Sahara occidental, aux riches eaux poissonneuses et aux importantes réserves en phosphates, comme un "territoire non autonome".
- "Décision inattendue" -
"La poursuite du développement économique et social de cette région est un impératif. Je salue tous les efforts faits par le Maroc à cet égard. La France l'accompagnera dans cette démarche au bénéfice des populations locales", écrit encore M. Macron dans sa lettre.
Enhardi par la reconnaissance par l'administration américaine de Donald Trump fin 2020 de sa souveraineté sur ce territoire, en contrepartie d'un rapprochement avec Israël, le Maroc déploie depuis une diplomatie offensive pour rallier d'autres pays à ses positions.
En 2022, l'Espagne avait fait volte-face en abandonnant sa neutralité et en jugeant l'initiative marocaine "comme la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend", réchauffant des relations tendues avec Rabat.
L'Algérie, qui a rompu ses relations avec le Maroc en 2021 notamment en raison de ce dossier, avait déjà exprimé jeudi dernier sa "désapprobation" face à une "décision inattendue" de la France dont elle disait avoir été informée quelques jours plus tôt.
Dans une allusion à Paris et Rabat, Alger avait dénoncé "des puissances coloniales, anciennes et nouvelles, (qui) savent se reconnaître, se comprendre et se tendre des mains secourables". L'Algérie "tirera toutes les conséquences qui découlent de cette décision française", avait menacé la diplomatie algérienne.
L'expert Hasni Abidi du Centre d'études CERMAM à Genève, a évoqué auprès de l'AFP "un changement historique" dans la position française, caractérisée jusque là par un "équilibrisme entre Rabat et Alger".
Selon M. Abidi, Alger a sans doute préparé "une panoplie de décisions" en réaction au changement de position française, au niveau de sa représentation diplomatique et "avec le gel des collaborations avec Paris" entre autres.
Une visite d'Etat du président algérien Abdelmadjid Tebboune à Paris, prévue fin septembre, pourrait aussi être remise en cause, d'après le site d'information algérien TSA.
Selon M. Abidi, la décision française est un revers pour M. Tebboune, candidat à sa réélection lors de la présidentielle du 7 septembre, qui avait "convaincu ses pairs au sein de l'armée de miser sur (un rapprochement avec Emmanuel) Macron", alors que "c'est finalement Macron qui rompt l'équilibre gardé pendant plusieurs décennies".
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