Et si on créait un plan d’eau estival sur la Dore, avec d’énormes ballons gonflables qui barreraient l’eau et offriraient une base de loisirs aux Thiernois ? Si l’idée peut paraître saugrenue ou grandiose aujourd’hui, elle a bien failli devenir réalité, en 1969. Le projet, porté par la municipalité de Thiers, a été construit, à Pont-de-Dore, sur un site qui a même eu un nom : "le plan d’eau des Peupliers".
Malheureusement, ce barrage mobile n’a jamais été en capacité de fonctionner. "J’ai vu une fois les coussins gonflés, pour un essai", se remémore Jean-Louis Derbias, qui avait alors une douzaine d’années, et qui est aujourd’hui élu à Peschadoires.
Une construction en béton dans l'eauSans compter l’argent et l’énergie qui ont été perdus en construction et en procédures, le projet avorté a laissé des traces dans la rivière. Une construction en béton de plusieurs mètres de large, dont trois têtes émergent de l’eau.
Au-delà du manque d’esthétisme, ce barrage s’oppose à la continuité écologique de la rivière : "Des espèces de poissons peuvent se retrouver bloquées à cause de ce seuil", explique Stéphane Rodier, président du parc naturel régional Livradois-Forez.Le triangle gris qu’on aperçoit sur le bloc de béton ci-dessus est un reste des ballons qui devaient se gonfler pour bloquer l’eau et créer un plan d’eau sur la Dore.
Ce projet de base de loisirs a aussi dégradé le cours d’eau par les travaux de curage et d’élargissement du lit de la Dore.
Pour toutes ces raisons, plus de cinquante ans plus tard, le Parc met en place un vaste chantier de restauration écologique du site. Il le présente comme "l’opération la plus ambitieuse et d’une ampleur jamais réalisée jusqu’à présent sur le bassin-versant de la Dore". C’est la plus importante, parmi les centaines d’actions du Contrat territorial.
Plus de trois mois de travauxL’entreprise choisie par l’appel d’offres, la Forézienne (Eiffage), a commencé les travaux à la mi-juillet. Ceux-ci doivent durer trois mois et demi. Après avoir aménagé une "base de vie" sur un terrain adjacent, les salariés ont commencé le chantier sur la Dore.La base de vie.
Au programme, figure en premier lieu la démolition de l’ouvrage en béton : 400 m3 vont être évacués de la rivière. Ensuite, sur la rive droite, côté Thiers, un pied de berge va être créé et végétalisé. En rive gauche, côté Peschadoires, la berge va être abaissée et deviendra submersible. Dans le même temps, deux bras morts seront reconnectés à la rivière.
Un des bras morts qui va être reconnecté.
De ces différentes opérations, environ 2.000 m3 de matériaux sédimentaires vont être retirés et réinjectés de l’autre côté du pont. L’extraction de matériaux dans la Dore pour le bâtiment, et les autres aménagements de la rivière de la Seconde Guerre mondiale aux années 1980, ont en effet tari le volume de sédiments.
"La rivière manque de matériaux. Entre 1935 et 2023, au niveau de Pont-de-Dore, son lit s’est enfoncé de 2,5 mètres", rappelle Sylvain Saxer, chargé de mission au parc naturel régional Livradois-Forez.
Une action contre la renouée du JaponMais avant de réinjecter ce sable et ces graviers naturels, l’entreprise va les débarrasser de la renouée du Japon, une plante invasive qui a colonisé les berges. "Pour séparer les rhizomes des matériaux graveleux, on va d’abord les laisser sécher pendant un mois", décrit Gaëtan Michallet, directeur de travaux à la Forézienne.
Au chapitre des végétaux, 1.000 arbres, plus de 3.000 boutures de saules et presque autant de plantes typiques des milieux humides vont être plantés. Par ailleurs, le chemin de randonnée "Les berges de la Dore", actuellement dévié, sera recréé.
Pendant tout ce temps, l’entreprise a pour consigne de ne pas surcharger la route de camions durant les heures de pointe, notamment le matin, alors que 10.000 voitures par jour circulent sur le pont.
Coût
Les travaux TTC s’élèvent à 595.000 € (620.000 € avec les études). Comme l’opération s’inscrit dans le cadre du Contrat territorial du bassin-versant de la Dore et du Contrat vert et bleu du parc Livradois-Forez, elle bénéficie du maximum de subventions (80 %). Les financeurs : l’Agence de l’eau Loire-Bretagne, l’Europe, via le Feder, les communautés de communes Thiers Dore et Montagne et Entre Dore et Allier (à travers la taxe Gemapi), le Conseil départemental et la Région.
Alice Chevrier