Cela fait un bout de temps que LR se cherche une incarnation. Au sein de son groupe à l’Assemblée, la figure de Laurent Wauquiez attire les louanges. Il a changé, dit-on. Pour ses opposants, le doute est permis.
À croire qu’ils ont tous vécu une semblable révélation. Laurent Wauquiez, futur ex-président d’Auvergne-Rhône-Alpes, n’est plus le même. Moins clivant, moins narcissique, plus ouvert… mais surtout insaisissable au fond.Cinq ans qu’elle le connaît… Avant, « c’était lui d’abord ». Maintenant, elle le trouve « changé : il est à l’écoute, il prend du temps pour nous », confie Frédérique Meunier, députée La Droite républicaine de Corrèze, département où, pourtant, le nom de Wauquiez ne soulevait pas jusqu’ici des révérences appuyées. « Je n’ai jamais connu cela, ni sous Ciotti ni sous Abad. Il travaille pour la vie du groupe ».
"Naturel pour la première fois"Le député Vincent Jeanbrun raconte la même histoire. L’enfant des « barres HLM » était « tombé en adoration » devant ce « ministre fringuant » et son concept de « droite sociale », alors qu’il était « tout jeune militant ». Jusqu’à ce que Laurent Wauquiez prenne la direction de LR fin 2017 et « vire droite Buisson », entre sortie de Schengen et abrogation du mariage pour tous.
C’est à ce moment-là, aussi, que Xavier Bertrand, président des Hauts-de-France, claque la porte. Déçu à la hauteur de son admiration passée, ce proche de Valérie Pécresse prend ses distances. Puis, petit saut temporel, arrivent les émeutes urbaines de 2023. En juillet, le domicile du maire de L’Haÿ-les-Roses est attaqué à la voiture-bélier, alors que ses deux jeunes enfants et sa femme s’y trouvent. Laurent Wauquiez reprend alors contact avec lui. Ils se voient à Paris en début d’année : Vincent Jeanbrun découvre un « autre homme ». Il le trouve « très changé ».
« On a eu le Laurent Wauquiez, parka rouge, affable, trop gentil, du Chirac mal imité, à qui un communicant avait dû dire qu’il fallait être populaire. Puis on avait eu le chef de parti politique, autoritaire voire autoritariste, à qui on avait dû dire d’être fort. C’était pareil, caricatural ».
Mais, ce jour-là, il lui semble « naturel pour la première fois ». « Il prend des notes, il écoute. Il n’est pas dans le “je t’explique la vie mon petit” mais “explique-moi ce que toi tu vis”. C’est très probablement lié à cette période d’abstinence médiatique. C’était assez impressionnant. J’avais le sentiment d’un sportif de haut niveau qui prépare les JO. Il a un objectif, probablement la présidentielle. Et tout est enfin mis en accord ». Aujourd’hui, pour le député du Val-de-Marne, porte-parole du groupe La Droite républicaine à l’Assemblée, « cela se confirme » : « On a gagné un chef, avec du charisme, une autorité naturelle, mais sans caporaliser. On débat de tout, on prend le temps. Tous les membres du groupe ont été agréablement surpris et grâce à ce chef d’orchestre, chaque musicien donne le meilleur de soi ».
« C’est un vrai capitaine »En Haute-Loire, son département « en forme de cœur », on veut croire en son destin plus grand. « Laurent Wauquiez a l’expérience et la crédibilité pour jouer un rôle pour le pays dès 2027 : il a clairement pour moi une stature d’homme d’État », tranche le député LR Jean-Pierre Vigier. Dans le Cantal voisin, on semble vouloir aller moins vite en besogne. Chaque chose en son temps, estime le député La Droite républicaine Vincent Descœur, qui évacue l’idée d’ambitions élyséennes : « Le réflexe, c’est presque de voir en lui quelqu’un qui ne penserait qu’à une ligne d’arrivée lointaine. Ce groupe n’est pas une écurie présidentielle. Laurent Wauquiez est en bleu de travail à l’Assemblée pour reconstruire un positionnement puis un parti où il a un rôle à jouer avec d’autres figures de la droite. »
Photo Pierrick Delobelle
"C'est un véritable leader"Pour le reste, il explique le connaître de « longue date » et rejette les mauvais procès qui lui sont faits. « Il a d’immenses qualités, c’est un véritable leader », atteste le parlementaire cantalien qui se dit troublé « par l’image de dynamisme de Laurent Wauquiez en Auvergne-Rhône-Alpes qui a du mal à franchir les frontières régionales.
Il n’est pas reconnu à sa juste valeur. Les Français ne connaissent pas le vrai Laurent Wauquiez. Il a l’opportunité de le faire à travers la présidence de ce groupe ».
Les mots pour le qualifier reviennent d’une bouche à l’autre. « C’est un vrai capitaine. En 15 jours, il a su fédérer autour de lui les députés de droite. Aujourd’hui, on fait entendre notre voix, sur des sujets concrets, grâce à lui : on a retrouvé une dimension nationale », avance Jean-Pierre Vigier. Quant aux critiques d’insincérité, le député de Haute-Loire les balaie : « elles viennent de personnes qui ne le connaissent pas vraiment. Il faut juger sur le bilan et le sien à la tête de la Région Auvergne Rhône-Alpes est excellent ».Photo Marion Boisjot
"Il n'a jamais été du côté de la droite sociale"Un avis que ne partagent pas franchement certains élus régionaux de l’opposition. Pour Grégoire Verrière (les Écologistes), « Laurent Wauquiez change de cour de récré et veut se rapprocher de la cour des grands. Pour lui, AuRA n’est qu’un laboratoire. Mais je lui souhaite bonne chance car ce qu’il développe depuis plusieurs années n’est qu’une reprise des idées de l’extrême droite. On le voit, y compris dans son comportement au sein de l’Assemblée où il est nettement plus sympathique avec les élus du RN qu’avec ses opposants de gauche. Il n’a jamais été du côté de la droite sociale. Dans sa dernière sortie, il s’en prend toujours aux chômeurs en maniant les vieux poncifs de la droite libérale et xénophobe. Il dénonce l’assistanat mais le principal assisté, c’est lui avec ses repas fastueux financés à l’aide de l’argent public ».
Pour Boris Bouchet (PCF), Laurent Wauquiez « adapte sa stratégie pour aboutir à cette ambition qui l’obsède : être candidat en 2027. Je ne suis pas surpris.
Ce qui m’intéresse désormais, c’est qu’à la Région, il soit remplacé par son opposé. Quelqu’un à l’écoute, quelqu’un qui ne soit pas obnubilé par les destins qu’il s’invente et purgé de ces comportements qui ne font qu’éloigner les citoyens de la politique ».
"C'est méprisant comme toujours avec Wauquiez"En Haute-Loire, celle qui s’est désistée après le premier tour pour lui éviter une triangulaire l’a encore en travers de la gorge. Elle aurait espéré un mot de sa part. « Au soir du premier tour, alors que nous n’avions pas encore pris la décision de nous désister, il annonçait devant les médias nationaux un duel à venir face au candidat du RN. Il n’a pas pris la peine de nous contacter, ni même de nous citer… C’est méprisant comme toujours avec Wauquiez. Pourtant, il a été mis à mal comme jamais sur sa propre circonscription ».
"Il ne pense qu'à ses propres intérêts"Celline Gacon, élue écologiste au Puy-en-Velay (Haute-Loire) et conseillère au sein de l’Agglo, était candidate du NFP dans la même circo. « Il se voit aujourd’hui comme un pivot du jeu démocratique actuel mais, en Haute-Loire, il continue de vouloir tout gérer, tout commander avec une vision autoritaire, des méthodes parfois brutales. En réalité, il ne travaille que pour lui. Il a bâti sa campagne en parlant exclusivement de la Haute-Loire et aujourd’hui, plus un mot. Comme toujours, il ne pense qu’à ses propres intérêts pour arriver à l’Élysée ».
Florence Chédotal, Estelle Bardelot, Christophe Darne, Pierre Raynaud et Fabrice Mina
